Aux yeux des agriculteurs, « le maïs est paré de toutes les vertus » 

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Gourmand en eau quand elle fait défaut mais « super pratique », le maïs est un révélateur de la difficile adaptation au changement climatique de l’agriculture et des tiraillements entre intérêts individuels et collectifs, observe Christian Huyghe, directeur scientifique agriculture à l’Inrae.

« Le maïs a fait une entrée fracassante dans les systèmes agricoles en France entre 1960 et 1970 », retrace dans un entretien avec l’AFP le chercheur de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae).   « Cela correspond à une période où on intensifie les productions animales et en particulier les productions laitières, donc on a besoin d’avoir beaucoup de stocks d’aliment de très haute valeur énergétique » pour les bêtes.  Le maïs peut être récolté sous forme de grain (et nourrir notamment les volailles et les porcs) mais aussi sous forme de fourrage pour les ruminants. On parle alors de maïs ensilage, car la plante est broyée et mise à fermenter dans un silo couvert d’une bâche, ce qui permet d’alimenter les bovins une grande partie de l’année.   « En 1970, les éleveurs laitiers avaient du mal à constituer du stock l’hiver. Le maïs apportait un progrès gigantesque. »  « Vu par les agriculteurs, le maïs a été paré de toutes les vertus », reprend Christian Huyghe: « super pratique », « productif, simple [à cultiver] et n’utilisant pas trop de main-d’oeuvre ».   Constituer des réserves de maïs permet en outre à un éleveur d’être « beaucoup moins soumis à l’aléa climatique » que lorsqu’il ne peut compter que sur le pâturage et le foin.

« Basculer »

Le développement du maïs a été favorisé par la sélection de nouvelles variétés, des hybrides pouvant être cultivés dans les zones majeures d’élevage, notamment le sud-ouest et la Bretagne.    Le maïs n’était pas fait pour être cultivé sous nos latitudes. « Originaire des zones tropicales, domestiqué en Amérique centrale », il est remonté à partir du 16e siècle vers les Etats-Unis.  « Comme c’est une plante qui pousse beaucoup en été, elle est très adaptée au climat du Midwest américain, où il pleut beaucoup en été, à la différence de chez nous », explique le spécialiste de l’Inrae.  « Il n’y a pas beaucoup d’espèces qu’on a autant déplacé », dont les zones de culture « sont remontées aussi vite au nord », désormais jusqu’en Suède, grâce à la sélection.   Première céréale produite dans le monde, le maïs couvre près de trois millions d’hectares en France, environ 10% de la surface agricole utile. La production est principalement destinée à l’alimentation des animaux d’élevage (autour de 80%) et à des usages industriels ou énergétiques (transformation de l’amidon du grain, notamment en éthanol). Seule une fraction est directement tournée vers l’alimentation des humains (maïs doux et maïs popcorn).  Le maïs (grain, semence et fourrage) représente un peu plus du tiers des surfaces qui sont irriguées en France. Il pousse l’été, quand l’eau vient à manquer.   Même si les sélectionneurs développent des variétés de plus en précoces pour éviter les périodes sèches, le réchauffement climatique, deux fois plus rapide en France que la moyenne mondiale, interroge l’avenir de la culture.  Les maïsiculteurs comptent développer le stockage d’eau pompée dans les nappes ou les cours d’eau pendant l’hiver pour irriguer l’été, un schéma dénoncé par les opposants à ces bassines.  Vu les atouts du maïs, un agriculteur disposant d’eau a intérêt aujourd’hui à en produire, remarque M. Huyghe.   « La difficulté, c’est de savoir à quel moment il doit basculer » dans un système plus sobre en eau, mais aussi économe en pesticides et moins émetteur de gaz à effet de serre, poursuit le chercheur.  « Collectivement, on a intérêt à dire à un moment +Il faut qu’on arrête, ce genre de système ne passera plus en 2045+. Pourtant chaque agriculteur, à titre individuel, a intérêt à faire durer son système le plus longtemps possible. »