Fascinantes mais inquiétantes, les étoiles de mer se cherchent un avenir

Photo d'illustration© jacmoermanplanetnl / Pixabay

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Elles fascinent et inquiètent à la fois : les étoiles de mer, friandes de moules, huîtres et autres coquillages, sont souvent considérées comme une espèce invasive. Afin de réduire leur impact, des chercheurs bretons se penchent, non sans mal, sur leur valorisation.

Sur l’un des quais du port de Brest, Philippe Perrot s’apprête à prendre la mer à bord du Ménestrel, un bateau de pêche à la drague de 10 mètres. A quelques semaines de la fin de la campagne de pêche à la coquille Saint-Jacques, la récolte peut encore s’avérer bonne. A condition cependant d’éviter les zones infestées par les étoiles de mer, ces étonnantes créatures capables d’ouvrir n’importe quelle coquille pour y projeter à l’intérieur leur estomac tout juste sorti de leur bouche et digérer directement leurs proies. « Il y a des secteurs de la rade de Brest qui en sont complètement envahis« , assure le pêcheur, en mettant le cap sur une zone où il avait l’habitude d’aller il y a quelques mois encore, mais à laquelle il a dû renoncer. Face à la longue plage du Moulin Blanc, il plonge la drague dans l’eau sombre ralentissant soudainement la progression du bateau. Après un trait d’une dizaine de minutes, il relève l’engin. Dans la nasse, des centaines d’étoiles de mer occultent quelques rares coquilles Saint-Jacques. « On doit avoir là entre 25 et 30 kg d’étoiles de mer pour cinq à six kg de coquilles« , constate amer le pêcheur. « C’est un travail supplémentaire, ça empêche la drague de bien travailler et en plus ça mange nos coquilles« , se lamente-t-il. Le phénomène touche de nombreuses parties du globe, notamment l’Australie où les étoiles de mer détruisent le corail. En France, c’est surtout en
Bretagne Sud que le problème se pose. « Il n’y en a pas tous les ans autant, mais quand il y en a, elles prolifèrent très vite« , souligne Virginie Boy, chercheuse à l’Université de Bretagne Sud (UBS). « Les pêcheurs ne savent pas comment s’en débarrasser« , explique-t-elle à l’AFP, indiquant que les tentatives entreprises jusqu’à présent pour réduire leur nombre et/ou les valoriser n’ont pas abouti.

Les usines d’équarrissage rechignent à les traiter du fait de leurs pieds ambulacraires et de leur squelette calcaire qui  affecterait le bon fonctionnement des machines, tandis que la voie du compostage a été abandonnée, la dégradation des étoiles dégageant une odeur particulièrement nauséabonde. L’université est cependant à l’origine d’une étude sur une possible valorisation après séchage puis méthanisation. « On a fait des essais et on a trouvé que la production était bonne« , assure Virginie Boy. Ces échinodermes, à la peau piquante donc, sont toutefois constitués à 80% de matière minérale et à seulement 20% de matière organique, la seule pouvant faire l’objet d’une méthanisation. « Cette voie n’est pas très rentable« , juge Guillaume Massé, océanographe au CNRS, insistant aussi sur le coût énergétique nécessaire au séchage des étoiles avant méthanisation. « Au lieu de la voir comme un déchet on devrait plutôt la considérer comme une ressource avec plein d’applications potentielles« , plaide le chercheur basé à la station marine de Concarneau. Celle-ci, gérée par le Muséum national d’histoire naturelle, est à l’origine d’un programme de valorisation de l’animal marin, financé par la région et l’Europe. « Des industriels travaillent sur ces applications, mais ça reste confidentiel pour le moment« , avance-t-il, évoquant les secteurs de la cosmétique et de l’agriculture. Une entreprise canadienne commercialise déjà une formulation destinée à la fabrication de crèmes antirides en utilisant le grand pouvoir régénérateur des étoiles de mer. « Quand on en pêche une et qu’on pense l’avoir tuée en la coupant en deux, on ne fait finalement que multiplier le problème car chaque partie va se régénérer« , note Guillaume Massé, soulignant également la voracité des étoiles capables de manger plusieurs fois leur poids en coquillages. « La seule possibilité c’est un produit final à forte valeur ajoutée afin de rémunérer toute la chaîne de traitement« , conclut Julien Dubreuil, biologiste marin pour le Comité des pêches de Bretagne.