Protéger la biodiversité et gérer durablement les ressources naturelles à l’heure où les hommes dévastent la planète : la Convention sur la biodiversité biologique (CBD) a commencé lundi 24 février à examiner un plan d’action d’ici 2050.
Initialement prévue en Chine, qui accueillera en octobre la 15e réunion de la Convention de l’ONU sur la diversité biologique (COP15), les négociations de février de la Convention sur la biodiversité biologique (CBD) ont été déplacées à Rome en raison de l’épidémie de coronavirus. Les négociateurs de plus de 140 pays examinent jusqu’à samedi la première ébauche du texte qui doit être adopté à la COP15, avec l’espoir de déboucher sur un succès similaire à l’Accord de Paris pour le climat en 2015. « La dégradation de la nature est d’une ampleur sans précédent dans l’histoire de l’humanité« , a rappelé Anne Larigauderie, secrétaire exécutive de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES). Le bilan des experts en biodiversité de l’ONU est glaçant : 75% des terres et 66% des mers ont été modifiées par les activités humaines. Un million d’espèces sont en danger de disparition. Cette dégradation des écosystèmes menace le genre humain, qui en dépend pour l’air, l’eau potable, la nourriture… [ihc-hide-content ihc_mb_type= »show » ihc_mb_who= »1,2,3,4,5″ ihc_mb_template= »1″ ]
2020, avec la tenue de la COP15, du congrès mondial de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) à Marseille et de la COP26 pour le climat à Glasgow, est « une super année pour la biodiversité« , a souligné Elisabeth Maruma Mrema, secrétaire générale de la CBD, à l’ouverture des négociations lundi, qui a souligné « l’importance de faire des progrès » dès cette semaine. Mi-janvier, la CBD a dévoilé la première version de sa feuille de route pour préserver puis restaurer les écosystèmes d’ici 2050. Une partie du texte de douze pages est consacrée aux objectifs à atteindre d’ici le milieu du siècle, avec un point d’étape à 2030. D’autres parties portent sur les mesures à mettre en oeuvre pour atteindre ces objectifs et le suivi de leur application. La réunion à Rome se concentre en priorité sur la première partie. Parmi ces objectifs : des aires protégées couvrant « au moins [30%] des zones terrestres et marines avec au moins [10%] sous stricte protection« , (les chiffres entre crochets étant à débattre), réduire d’ici à 2030 « d’au moins [50%] la pollution » par les fertilisants, utilisés notamment en agriculture, les biocides (désinfectants, insecticides…), le plastique et autre, ou encore contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique via des solutions basées sur la nature.
« C’est une bonne première étape« , a jugé Louisa Carron, de Greenpeace, à l’AFP. Pour Aleksandar Rankovic, expert à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), il s’agit d' »une base de travail très exigeante pour tous« . Lin Li, qui suit le sujet chez WWF International, a un sentiment plus « mitigé« . Cette première version du texte « ne s’attaque pas aux causes de la perte de biodiversité« , en particulier les systèmes alimentaires et nos modes de consommation, déplore-t-elle. Là où la CBD veut ralentir la perte de biodiversité d’ici 2030 et inverser la tendance ensuite, WWF voudrait prendre plus vite le chemin de la restauration des habitats naturels. Il faut être « concis, complet et réaliste« , a fait valoir de son côté Francis Ogwal, qui copréside les négociations avec le Canadien Basile van Havre. Le texte doit aussi « s’assurer du rôle central joué par les peuples autochtones » pour protéger la biodiversité, pour Brian O’Donnell, directeur de l’initiative Campaign for nature. Lors de la séance plénière, des pays en développement ont rappelé que « la question se posera des ressources financières pour mettre en place les mesures« , a indiqué Yann Wehrling, ambassadeur à l’environnement pour la France. Tous ont en tête l’échec des précédents objectifs, dits d’Aichi, adoptés en 2010, notamment faute de suivi. Cet échec montre qu' »avoir simplement une ‘vision’ ne garantit pas sa mise en œuvre« , relève Shuo Li de Greenpeace, pour qui les objectifs définis devront être déclinés ensuite au niveau national.
Dans la revue Nature, des scientifiques ont parallèlement lancé un appel à la CBD à fixer un objectif global pour la conservation des écosystèmes, tels que les zones humides, les récifs de coraux, ou encore les forêts tropicales, comme cela se fait pour des espèces animales et végétales spécifiques depuis la Convention de 2010. Les chercheurs, avec à leur tête le professeur en sciences de la conservation James E. M. Watson, affirment que les Etats peuvent désormais utiliser « une approche éprouvée et normalisée pour l’évaluation des risques liés aux écosystèmes : le protocole de la Liste rouge des écosystèmes, qui a été adopté par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) en 2014. » Les mesures prises depuis la Convention de 2010 ont, d’après eux, réduit le risque d’extinction de nombreuses espèces, bien que les liens directs soient difficiles à prouver. « Par exemple, les efforts de conservation déployés au cours des 30 dernières années ont contribué à réduire le taux d’extinction des oiseaux menacés d’au moins 40 %, selon une analyse. » Bien que cruciaux, ces programmes de conservation axés sur les espèces ne sont pas suffisants pour maintenir la biodiversité: « les écosystèmes, de la forêt boréale […] aux mangroves, représentent plus que la totalité des plantes et des animaux qui y vivent. Les interactions complexes entre les systèmes biologiques et physiques sont à l’origine de processus qui entretiennent toute vie« , tels que la production d’eau propre, le stockage du carbone ou encore la pollinisation. D’où la nécessité de protéger les écosystèmes dans leur ensemble.
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