Chasses traditionnelles, protection des cétacés, respect de la responsabilité environnementale… A coups d’avertissements, de mises en demeures et d’avis motivés, la Commission Européenne met la France face au constat de ses multiples infractions à la législation environnementale.
Ce ne sont pas moins de trois rappels à l’ordre que la Commission européenne a adressé à la France, le jeudi 2 juillet, en matière de protection de l’environnement et de respect de la législation.
Et d’un : la Commission a tancé la France, l’Espagne et la Suède pour n’avoir pas pris suffisamment de mesures destinées à empêcher les prises accidentelles de dauphins dans les filets de pêche. Les trois pays « n’ont pas pris de mesures suffisantes pour surveiller les captures accessoires dans leurs eaux et par leurs flottes, ni utilisé pleinement les possibilités offertes par la Politique commune de la pêche pour se conformer à l‘obligation qui leur incombe, en vertu de la directive Habitats, de protéger ces espèces« , explique l’exécutif européen dans un communiqué. [ihc-hide-content ihc_mb_type= »show » ihc_mb_who= »1,2,3,4,5″ ihc_mb_template= »1″ ]
Bruxelles a donc ouvert une procédure d’infraction dans ce dossier. Paris, Madrid et Stockholm ont trois mois pour remédier aux problèmes identifiés, sous peine d’un deuxième avertissement. In fine, la procédure peut déboucher sur la saisine de la Cour de justice de l’UE. La France, en particulier, n’a pas entièrement transposé dans sa législation les obligations relatives à la surveillance du phénomène et à des mesures de conservation de l’espèce, note la Commission.
En outre, la France comme l’Espagne « n’ont pas non plus assuré un contrôle et une inspection efficaces en ce qui concerne l‘obligation faite aux navires de pêche d’utiliser des ‘pingers’ (dispositifs acoustiques destinés à éloigner les cétacés, ndlr) pour éloigner les marsouins des filets« , est-il relevé. Fin mai, le Conseil international pour l’Exploration de la mer (Ciem) avait recommandé de nouvelles mesures pour limiter les prises accidentelles de dauphins dans les eaux européennes, dont l’utilisation de ces appareils. En février, le commissaire européen à la Pêche Virginijus Sinkevicius avait jugé « inacceptable » le niveau des prises accessoires de ces cétacés protégés. Il rappelait encore aux ministres de la Pêche de l’UE en début de semaine qu’au cours de l’hiver plus de 11.300 dauphins sont morts dans les filets des pêcheurs du Golfe de Gascogne. « Bien qu’il reste encore de nombreux dauphins dans la mer, le taux actuel de mortalité pourrait entraîner un grave déclin de la population« , mettait en garde la Commission dans une note aux représentants des 27. Les prises accidentelles participent également à la chute de la population de marsouins communs en mer Baltique, « autrefois assez abondante et désormais réduite à environ 500 animaux« .
Parallèlement, par un jugement du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Paris a condamné l’Etat pour méconnaissance de ses obligations en matière de protection de certains cétacés. « Saisi par l’association Sea Shepherd France, le tribunal a relevé que si la France a mis en place une législation destinée à protéger les cétacés, en particulier le grand dauphin, le dauphin commun et le marsouin, l’état de conservation de ces espèces est toujours insuffisant dans la zone Atlantique, indique le TA dans un communiqué. En effet, cette zone est marquée par de nombreux phénomènes d’échouage de dauphins depuis plusieurs années alors que la région connait une activité de pêche commerciale intense. » D’après le TA, les mesures d’encadrement de la pêches ont été mises en œuvre tardivement et restent insuffisantes. En raison du retard pris pour respecter ses obligations, européennes et nationales, en matière de protection des mammifères marins et de contrôle des activités de pêche, l’Etat devra verser une indemnité de 6 000 euros à Sea Shepherd.
Et de deux : suite à une plainte contre la France déposée par la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) le 2 avril 2019 concernant plusieurs infractions au droit européen, la Commission Européenne a adressé un avis motivé à la France afin qu’elle prenne des mesures contre certaines pratiques de chasse et de capture d’oiseaux. « L’Europe abrite plus de 500 espèces d’oiseaux sauvages, mais au moins 32 % des espèces d’oiseaux de l’UE ne sont pas actuellement en bon état de conservation et, en France, parmi les 64 espèces pouvant être chassées, seules vingt présentent un bon état de conservation« , a rappelé la commission. Est visée ici l’autorisation de pratiques cynégétiques traditionnelles selon des méthodes de capture non sélectives, tel le piégeage à la glu ; le prolongement de la chasse aux oies sauvages au mois de février pendant leur période de migration printanière ; ou encore l’autorisation de chasser des espèces en mauvais état de conservation, comme la Tourterelle des bois. Cet avis motivé pourrait être suivi d’une saisine de la Cour de justice de l’UE si le Gouvernement ne s’y conforme pas dans un délai de trois mois.
Or le 26 juin dernier, 11 projets d’arrêtés ministériels fixant les quotas de chasses traditionnelles dans plusieurs départements français ont été publiés par le Ministère de la Transition écologique et solidaire, et sont soumis à la consultation du publique jusqu’au 17 juillet. « Strictement identiques à ceux de l’année précédente, ils prévoient d’autoriser à nouveau pour la campagne de chasse 2020-2021 la capture de 156 030 oiseaux sauvages dans les conditions que dénonce la Commission Européenne« , dénonce la LPO. Si l’Etat prévoit de suspendre la chasse du courlis cendré et celle de la barge à queue noire pour la saison 2020-2021, les projets d’arrêtés entendent fixer des quotas de chasse pour les alouettes des champs, les merles noirs et les grives ainsi que les vanneaux et les pluviers dorés, à l’aide des méthodes traditionnelles fustigées par la LPO et condamnées par la Commission européenne.
Et de trois : la Commission européenne a mis en demeure seize Etats membre de l’UE, dont la France, de mettre en œuvre correctement la directive européenne du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale. Celle-ci prévoit que les dommages environnementaux peuvent être évités ou réparés, entre autres, en accordant à des personnes physiques et morales le droit de demander que les autorités compétentes décident des mesures de prévention et de réparation à prendre par l’exploitant responsable. La directive garantit également que les conséquences financières de la mesure de réparation sont supportées par l’opérateur économique qui a causé le dommage environnemental. La Commission indique que les Etats devront « faire en sorte que leur législation nationale permette à toutes les catégories de personnes physiques et morales mentionnées à l’article 12, paragraphe 1, de la directive sur la responsabilité environnementale (directive 2004/35/CE) de demander à l’autorité compétente de prendre des mesures de réparation des dommages environnementaux. » Les États concernés disposent de trois mois pour remédier à la situation, à défaut de quoi la Commission pourra leur adresser un avis motivé.
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