A l’occasion de la 14ème édition de la Semaine pour les alternatives aux pesticides, du 20 au 30 mars, 700 initiatives sont annoncées en France. C’est le moment que choisit le gouvernement pour revenir sur une mesure d’interdiction adoptée il y a à peine quatre mois !
L’Assemblée a repoussé vendredi 15 mars (jour des manifestations « climat » des lycéens) l’interdiction de la fabrication de pesticides vendus en dehors de l’Union européenne de trois ans, à 2025, en ajoutant une dérogation pour certaines entreprises, ce qui a suscité des divergences jusque dans la majorité. La mesure a été votée dans le cadre de l’examen en nouvelle lecture du projet de loi Pacte sur les entreprises. L’interdiction en 2022 de « la production, (du) stockage et (de) la vente de produits phytopharmaceutiques » destinés à des pays tiers et contenant des substances prohibées par l’UE figurait dans la loi agriculture et alimentation (Egalim), promulguée en novembre. Mais à la faveur de Pacte, le Sénat à majorité de droite avait voté sa suppression pure et simple, lors de la première lecture du projet de loi. Après de vifs débats, l’Assemblée a voté par 27 voix contre 3 et 7 abstentions ce que le rapporteur Roland Lescure (LREM) a qualifié de « compromis », salué par la secrétaire d’État à l’Économie Agnès Pannier-Runacher. L’ex-secrétaire d’État à la Biodiversité et députée LREM Barbara Pompili, qui s’est abstenue, ainsi que les socialistes et Insoumis, ont réclamé en vain de revenir à 2022. « On ne peut pas défaire ce que l’on a fait, a défendu Mme Pompili, en s’insurgeant contre le chantage à l’emploi de certaines entreprises cyniques ».
« Si on supprime du jour au lendemain la production, le danger c’est que celle-ci se déplace de quelques centaines de kilomètres et que l’impact pour l’environnement soit nul », a plaidé Roland Lescure. « Près de 2.700 emplois directs seraient menacés », a précisé sa collègue LREM Nadia Hai. L’amendement adopté décale à 2025 l’entrée en vigueur de l’interdiction et propose aussi des dérogations, sans date limite, aux entreprises qui s’engagent, dans un délai de six mois après la publication de la loi, dans un partenariat avec l’État, via la signature d’une convention de transition. Cette convention précisera les investissements à fournir dans des solutions de substitution, notamment dans biocontrôle et recherche. « Je ne crois pas que (cet amendement) aurait eu un grand succès auprès des lycéens qui manifestent en ce moment pour le climat », a raillé l’Insoumis Eric Coquerel. « Pendant que les citoyens marchent, les lobbys des pesticides avancent et le gouvernement recule, a renchéri dans un communiqué la Fondation Nicolas Hulot, fustigeant un retour en arrière inacceptable ». De son côté, le groupe LR a indiqué qu’il aurait préféré « le pragmatisme » du Sénat.
Ce vote à l’Assemblée est intervenu à cinq jours de l’ouverture de la 14ème édition de la Semaine pour les alternatives aux pesticides (SPAP), une opération nationale et internationale annuelle ouverte à tous visant à promouvoir les alternatives aux pesticides. Pendant les 10 premiers jours du printemps, période de reprise des épandages de pesticides, le grand public est invité à mieux s’informer sur les enjeux sanitaires et environnementaux des pesticides, ainsi que sur les alternatives existantes au travers de centaines de manifestations partout en France et à l’international. il s’agit aujourd’hui du temps fort de la mobilisation citoyenne sur le dossier des pesticides en France. En 2019, la 14e édition se tient du 20 au 30 mars. Plus de 700 événements sont programmés à travers la France, le plus souvent à l’initiative de collectivités territoriales : : des conférences, des débats, des ateliers de jardinage naturel, des projections de films, des collectes de pesticides interdits d’utilisation, des visites de fermes, des marchés bio, des dégustations, des expositions, des ateliers cuisine et/ou de fabrication, des stands de sensibilisation, des balades découvertes… Lancée en 2006 par l’association Générations Futures et l’ACAP, un collectif de 70 organisations locales et nationale (Action Citoyenne pour une Alternative aux Pesticides), la Semaine pour les alternatives aux pesticides est aujourd’hui soutenue par plus de cinquante organisations nationales et internationales, dont de nouveaux partenaires nationaux en 2019 : France Nature Environnement, Nous voulons des coquelicots, Terre et Humanisme. La Bretagne est l’une des régions les plus actives avec plus de 300 événements organisés cette année par les associations locales et les syndicats mixtes. Pontivy, Quistinic, Saint Aubin du cormier, Lamballe Armor… figurent parmi les communes dynamiques. Les associations « Vert le jardin », l’Association Centre-Bretagne de sauvegarde des abeilles bretonnes (ACBSAB) sont des moteurs de mobilisation.Le Syndicat de la vallée du Blavet organise à lui seul une quarantaine de manifestations entre le 18 et le 31 mars. En Occitanie, la commune de Saint-Affrique organise une semaine complète pour la SPAP.
Entre autres : une matinée impact des pesticides sur les sols, une journée bio dans les cantines, un programme d’activités au lycée agricole de la Cazotte, avec l’intervention de Phyto-Victimes pour parler de l’impact des pesticides sur la santé, des échange de graines pour conserver les variétés, réalisation de semis, promenade autour de la commune pour découvrir la biodiversité, des ateliers sur les abeilles dans la miellerie de la communauté de communes, des portes ouvertes de fermes… Perpignan et ses environs sont également très actifs grâce au travail du CAP 66. À Perpignan se tiendra une conférence suivie d’un débat : « Jardiner sans pesticides » avec Alain Baraton. Une soirée « Le Pain et le Vin » sera animée par Fabien Forgues, paysan boulanger à Elne, Éric Bonnet, bdoulanger à Camélas et David Nivet, paysan vigneron à Ponteilla. Conférences, troc de plantes, animations, projections… Au total, le collectif organise à lui seul plus de 40 événements.
Deux-tiers des communes d’Ile-de-France indiquent être passées à zéro pesticide chimique pour les espaces extérieurs, y compris pour l’entretien des cimetières et terrains de sport pourtant dispensés par la loi, selon l’Agence régionale de la biodiversité. Ces communes (67%) vont donc au-delà de la loi Labbé, qui depuis janvier 2017 leur interdit ces substances mais avec une dérogation pour les cimetières et terrains sportifs, note cette enquête publiée mardi, et nourrie par les déclarations de 690 villes et villages (plus de la moitié du total). Elles n’étaient que 22% au 1er janvier 2017, rappelle l’ARB, qui a créé cet indicateur « Objectif zéro pesticide en Ile-de-France » en 2011, et se félicite de « la mobilisation des communes pour tendre vers le zéro pesticide sur l’ensemble de leurs espaces ». Parmi les autres déclarants, 24% indiquent recourir encore aux phytosanitaires pour les cimetières et terrains de sport, et 8% assurent être en cours de changement. Pour cette enquête destinée à mesurer l’impact de la loi Labbé, l’Agence régionale de la biodiversité a croisé ces déclarations volontaires avec les données des agences de rivières, parcs régionaux et associations, qui accompagnent depuis plusieurs années les communes dans leur transition. Ce bilan « c’est ce que l’on constate sur l’ensemble du territoire francilien, confirme son auteur, Jonathan Flandin, pour qui il paraît aussi représentatif de ce qui se passe au niveau national ». De nombreuses communes se sont engagées dans la réduction des pesticides dès avant janvier 2017, poussées par des arrêtés encadrant leur utilisation depuis 2006 et 2011. Mais les cimetières restent un point de fixation, car dans cet univers très minéral les « mauvaises herbes » se voient, et restent difficiles à accepter pour le public. « Beaucoup de communes ont trouvé la solution en végétalisant, indique M. Flandin. On enherbe les allées, ça se fait de plus en plus ». Pour les terrains de sport, un problème vient notamment de l’exigence de qualité des pelouses des fédérations, surtout à haut niveau, note l’écologue. De ce fait, les communes urbaines et de petite couronne sont le plus concernées. « Outre le nécessaire respect de la réglementation, l’arrêt total de l’usage des pesticides par les communes leur permet d’agir sur la protection de la santé des agents et des habitants, mais aussi sur l’environnement, la biodiversité, les sols, la qualité de l’air et de l’eau », rappelle l’Agence.
Un manifeste sur la question des pesticides dans les zones non agricoles, rendu public à l’occasion de l’ouverture de la Semaine pour les alternatives aux pesticides, sera accompagné d’un pétition portée par l’association Noé Conservation et plusieurs partenaires de la SPAP avec comme revendication : « 0 pesticide sur tous les espaces non agricoles ».