Les poils de son menton commencent à blanchir, ses gestes sont lents : l’orang-outan Nénette, star de la ménagerie du Jardin des Plantes à Paris, fête ses 50 ans cette année, un âge fort respectable pour son espèce.
Héroïne d’un film documentaire de Nicolas Philibert en 2010, artiste peintre à ses heures, Nénette semble apprécier sa célébrité. Elle se plaît à transporter un fût en plastique face à la paroi vitrée qui la sépare du public, pour se percher dessus et contempler les visiteurs, s’attirant les photos. Vendredi, elle avait atelier peinture. Se saisissant d’une palette préparée par un soigneur, elle a attrapé avec la bouche différentes couleurs pour les appliquer sur la vitre de l’enclos. Puis, avec un doigt, elle a tracé des traits avant de frotter l’oeuvre éphémère avec de la paille. Elle peint aussi sur papier. Nénette est désormais « une mamie », qui présente une longévité remarquable pour un orang-outan né dans la jungle. L’espérance de vie des orangs-outans est de 30 à 45 ans dans la nature mais peut monter jusqu’à 60 ans en captivité. Les soigneurs de la ménagerie lui fêteront son anniversaire le 16 juin en lui offrant un gâteau. En fait, l’âge précis de Nénette n’est pas connu. Elle est née dans la forêt tropicale de Bornéo vers 1969 et avait environ trois ans à son arrivée à la ménagerie le 16 juin 1972. A l’époque, acheter un orang-outan sur le marché était encore autorisé. Peu après, la Convention de Washington de 1973 a interdit le commerce des espèces menacées d’extinction. « Nénette est arrivée en très mauvais état et elle avait une phalange sectionnée », déclare à l’AFP Norin Chaï, vétérinaire en chef de la ménagerie. Elle a été arrachée à sa mère très tôt alors que les femelles orangs-outans élèvent leurs enfants jusqu’à l’âge de 10 ans. Malgré cela, « ce qui est formidable avec Nénette, c’est qu’elle a eu quatre fils et qu’elle a accepté tout à fait de s’en occuper », ce qui n’est pas toujours le cas, relève Norin Chaï. En liberté, les orangs-outans de Bornéo, espèce en danger critique d’extinction, vivent dans les arbres à plus de 20 mètres de haut. Installée avec quatre de ses congénères dans un bâtiment des années 1930, « Nénette dort en hauteur sur une plate-forme, dans un nid qu’elle confectionne avec soin », explique la cheffe soigneuse Christelle Hano. Depuis l’espace sécurisé réservé aux soigneurs, la jeune femme entame l’entraînement médical de Nénette, munie d’une cuillère en bois. Séparée par une grille, elle lui demande de toucher la cuillère avec différentes parties de son corps. « Montre-moi ton oreille. Très bien. Bravo ma chérie, lui dit-elle en la récompensant avec un petit morceau de gâteau. On fait l’épaule, jolie fille? ». Ce « training » quotidien permet de faciliter l’administration de soins à l’animal à travers la grille mais aussi de diminuer l’appréhension des orangs-outans face à l’homme et de les distraire. « Nénette et moi on se connaît depuis vingt ans, raconte la soigneuse. Avant elle était vicieuse, surtout avec les filles. Si elle pouvait réussir à nous choper, elle le faisait », attrapant chaussures ou doigts, détaille-t-elle. Nénette compte quelques accidents à son actif. Car si elle n’est pas très grande (environ 1,10 mètre), elle pèse entre 65 et 70 kilos et sa force musculaire est très importante, comme celle des autres orangs-outans. « Depuis une petite dizaine d’année, Nénette a changé et elle est devenue tranquille. Elle a atteint l’âge de la sagesse », dit Christelle Hano. Côté coeur, Nénette a connu trois mâles. Ses quatre fils sont désormais morts mais elle est grand-mère. Patronne du groupe d’orang-outan de la singerie jusqu’à 2015, elle est à présent dominée par une autre femelle et un mâle. Elle dispose d’une loge indépendante pour ne pas être importunée. Côté santé, Nénette a dû être opérée d’un grave abcès à l’abdomen en 2007. Elle est atteinte d’hypothyroïdie et on la traite depuis trois ans avec du Levothyrox. Nénette souffre aussi d’arthrose à la hanche et est soignée pour cela. « On la gère comme une personne âgée », résume Norin Chaï.
Les orangs-outans figurent sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) en tant qu’espèce en danger critique d’extinction. En vingt ans, les populations d’orangs-outans ont perdu 80% de leur territoire et se sont réduites de moitié. Il resterait seulement entre 50.000 et 60.000 orangs-outans de Bornéo.