Un projet de barrage porté par une compagnie coréenne dans une vallée géorgienne et financé par des fonds européens suscite une opposition qui s’amplifie.
Le projet de centrale hydroélectrique de Nenskra se situe sur le versant sud des montagnes du Caucase central à Svaneti, en Géorgie. Sa capacité prévue est de 280 MW et ses promoteurs annoncent qu’il produira annuellement 1,2 GWh.
La rivière Nenskra court sur 42 km de long avec un bassin versant de 623 km², elle prend naissance à 2915 m au-dessus du niveau de la mer et se nourrit de glaciers, de neige, de pluie et d’eaux souterraines.
En hiver, en particulier de novembre à janvier, lorsque l’eau des rivières est moins disponible et que la consommation d’énergie domestique augmente, la Géorgie connaît un déficit d’approvisionnement en électricité. Le pourcentage d’électricité importée augmente année après année. Selon la déclaration officielle de la société qui porte le projet, la construction de la centrale hydroélectrique de Nenskra vise à éliminer la pénurie d’énergie actuelle pour garantir l’approvisionnement en énergie nécessaire en automne et en hiver. Le barrage prévu mesure 130 m de haut et 870 m de longueur sur le cours supérieur de la rivière Nenskra pour créer un stockage de 176 millions de m3 et un réservoir de 2,7 km² au niveau de l’alimentation. Il capterait les débits de la rivière Nenskra et de la rivière Nakra adjacente en amont du réservoir actuel de la centrale hydroélectrique Khudoni, en exploitant la hauteur de chute disponible de 725 m. [ihc-hide-content ihc_mb_type= »show » ihc_mb_who= »1,2,3,4,5″ ihc_mb_template= »1″ ]
Environ 400 familles vivent à proximité des villages (Chuberi et Nakra). La majorité sont des Svans, un sous-groupe ethnique des montagnes du Caucase géorgien ayant leur propre langue, lois et traditions. Les traditions, la culture et l’identité des Svans sont enracinées dans leur situation en montagne. Pendant des générations, ils ont vécu dans l’isolement et l’autosuffisance et leurs moyens de subsistance dépendent de la foresterie, du pâturage et de l’agriculture de subsistance. Environ 28 ménages seraient touchés par la phase d’acquisition des terres du projet, soit par la perte permanente de terres, soit par la perte temporaire de l’accès aux pâturages près du barrage et du réservoir.
Il avait été proposé d’inclure le site du projet dans le système européen d’aires protégées en tant que site émeraude » Svaneti 1 « . En janvier 2016, le gouvernement géorgien a tenté d’exclure tous les territoires du projet de Nenskra, sans apporter la moindre preuve que les vallées de Nenskra et Nakra sont moins importantes en termes de biodiversité que le reste de la région de Svaneti. Cela a donné lieu à une plainte auprès de la Convention de Berne relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe pour violation d’un certain nombre d’articles de la Convention.
La construction du barrage comprendrait également la construction de routes de contournement et d’accès, de lignes de transport à haute tension et de sous-stations. Ces constructions peuvent augmenter les glissements de terrain dans cette région sismique. L’un des résultats indirects de ce projet est également l’augmentation des risques d’inondation en raison des coulées de boue. Ces coulées de boue ont le potentiel de bloquer la rivière Nakra et de créer des inondations en amont. Pourtant, selon un examen de l’étude d’impact environnemental et social de Nenskra, les risques géologiques et les impacts négatifs potentiels sur les populations locales n’ont pas été correctement évalués.
Si le barrage est construit, il fera baisser le niveau d’eau de la rivière de Nakra de 10 % de son débit annuel moyen et celui de la rivière Nenskra de 5 %. Face à cette perspective inquiétante, les villageois ont rejoint les activistes locaux pour manifester avec eux. Ils ont trouvé des alliés inattendus : la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) ont conclu indépendamment que le projet dans sa globalité ne serait pas une réussite au point de vue économique. Et pourtant le gouvernement géorgien fait des pieds et des mains pour que le barrage soit construit. Mais il a un talon d’Achille : le gouvernement géorgien a besoin que l’Europe lui donne de l’argent.
C’est sur ce point faible que misent plusieurs ONG locales et européennes, parmi lesquelles WeMoveEurope, pour tenter d’enrayer la mécanique : une pétition visant à dissuader la Banque européenne d’investissement (BEI) et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) de prêter à la Géorgie les fonds nécessaires est en passe d’atteindre les 100 000 signatures.
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