La Chine sous la menace de la peste porcine africaine

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Les centaines de millions de porcs chinois pourraient bientôt être confrontés à la terrible peste porcine africaine (PPA).

 La peste porcine africaine (PPA) a été détectée en Afrique de l’Est au début du XXème siècle. Transmise par les tiques ou directement d’animal à animal, cette maladie est due à un virus dont les réservoirs naturels sont les suidés sauvages africains (phacochère, potamochère…). Si ces derniers ne développent aucun symptôme, la PPA provoque chez les cochons domestiques et les sangliers une violente fièvre hémorragique dont le taux de mortalité peut frôler les 100 %. Depuis son émergence, la maladie, contre laquelle il n’existe aucun vaccin, s’est propagée dans toute l’Afrique sub-saharienne. Elle est aussi sortie à plusieurs reprises du continent, causant de lourdes pertes économiques dans de nombreux pays, de l’Europe à l’Amérique du Sud. Aujourd’hui, un nouveau scénario catastrophe se dessine : l’arrivée potentielle de la PPA en Chine, qui concentre sur un tiers de sa superficie plus de la moitié de la population porcine mondiale.

Dans un article paru cet été dans la revue The Vetenirary Record, une équipe internationale a examiné les divers facteurs pouvant jouer un rôle dans l’émergence du virus en Chine, et étudié ses probables voies de dissémination. Les chercheurs du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) et leurs partenaires ont procédé à un important recueil d’informations afin d’évaluer les impacts des mouvements de personnes, de marchandises ou de sangliers, les conséquences des pratiques d’élevage etc.

« Chaque année, la Chine produit 500 millions de porcs, dont 40 % dans de petites fermes familiales ne comptant parfois qu’un ou deux cochons. Le pays constituerait un réservoir de virus énorme si la PPA s’y implantait, s’inquiète François Roger, chercheur au Cirad et co-directeur de l’UMR ASTRE. Cela menacerait les économies émergentes d’Asie du sud-est où l’élevage de porc se développe considérablement. Qui plus est, l’impact économique et culturel serait dévastateur, car l’animal occupe une place centrale dans ces sociétés asiatiques. Les autorités chinoises en ont conscience, et souhaitent améliorer la préparation du pays avant l’arrivée de la maladie. »

Ces travaux indiquent que le risque d’émergence de la PPA sur le territoire chinois est important. En effet, la Chine commerce avec une multitude de pays, et accueille un nombre croissant de voyageurs provenant de régions du monde où le virus de la PPA circule. Par ailleurs, entre 1990 et 2011, les importations de porc et de produits dérivés ont été multipliées par 25. Si celles provenant de pays où sévit la PPA sont illégales, on ne peut exclure le risque lié à la contrebande. Inquiétant, notamment parce que le virus survit très bien dans les produits transformés comme les charcuteries. « Un reste de sandwich contaminé jeté puis consommé par un porc suffit à déclencher une épidémie, explique François Roger. Or les détritus ou les eaux grasses des avions, bateaux ou restaurants sont souvent utilisés dans les élevages porcins chinois ». Cette pratique, désormais interdite dans la plupart des pays, a probablement été à l’origine de l’introduction de la PPA en Géorgie en 2007, d’où elle a ensuite essaimé vers l’Europe de l’Est et la Russie, ainsi qu’à Madagascar à la fin des années 1990.

Étant donnée la multitude de facteurs influant sur l’émergence de la PPA, gérer efficacement le risque nécessitera une approche intégrée alliant science et politique. Ces travaux constituent un premier pas dans cette direction. Prochaine étape : élaborer un modèle d’analyse de risque, et évaluer plus finement le rôle des réseaux de surveillance. Ces objectifs seront notamment poursuivis dans la suite du projet européen LinkTADs, qui s’est achevé en 2016 et visait à renforcer les collaborations entre experts européens et chinois.

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