Un nouveau protocole de gestion de l’eau, prévoyant la construction de 30 réserves dédiées à l’irrigation agricole a été validé jeudi dans la Vienne, quelques jours après une manifestation contre un projet similaire dans les Deux-Sèvres.
Ce protocole, deuxième du genre dans la région Nouvelle-Aquitaine, prévoit notamment la construction de 30 retenues dans le bassin du Clain (ouest du département), destinées à « prélever et stocker l’eau l’hiver » pour la restituer aux agriculteurs à des fins d’irrigation en période estivale. En contrepartie, les bénéficiaires s’engagent à réduire de 40% leurs prélèvements en eau durant l’été, de 50% leur usage de pesticides, ainsi qu’à restaurer 22 km de cours d’eau et 100 km de haies dans la zone, selon la préfecture. Ce protocole « garantit l’avenir de notre agriculture » car « il s’appuie sur trois piliers: l’évolution des pratiques, la préservation des milieux aquatiques et enfin la sécurisation de ces pratiques par le stockage de l’eau », a déclaré le préfet de la Vienne, Jean-Marie Girier, lors d’une conférence de presse. Ce contrat territorial a été signé par la préfecture, le département, les syndicats agricoles FNSEA et Jeunes agriculteurs, la Chambre d’agriculture régionale, le syndicat des Eaux de la Vienne et une quinzaine de communes et intercommunalités de la zone. L’agglomération du Grand Poitiers, à majorité gauche-écologistes, la Chambre d’agriculture départementale, dirigée par la Coordination rurale, et la fédération de pêche locale n’ont en revanche pas signé l’accord. Celui-ci intervient alors que les opposants à la « bassine » – surnom donné à ces retenues – de Sainte-Soline, dans le département voisin des Deux-Sèvres, ont réclamé au gouvernement un moratoire sur ces projets de stockage d’eau à usage agricole, après une manifestation de plusieurs milliers de personnes ce week-end, et des heurts avec les forces de l’ordre. « La signature de ce soir se fait avec l’accord du ministre de l’Agriculture, de la ministre de la Biodiversité et l’accord de Matignon », a souligné le préfet. Les partisans de ces réserves en font une condition de survie pour l’agriculture face aux sécheresses à répétition et sont engagés à se tourner vers des pratiques agro-écologiques. Ses détracteurs y voient à l’inverse un « accaparement de l’eau » et une « fuite en avant » du modèle agricole productiviste, doublé d’une aberration écologique à l’heure du changement climatique.
A Sainte-Soline, la chantier a repris une dizaine de jours après la manifestation de milliers d’opposants émaillée de heurts violents avec les gendarmes, a constaté un journaliste de l’AFP. « Les engins sont arrivés hier soir (lundi) et les travaux ont démarré ce matin » à Sainte-Soline, a confirmé à l’AFP Thierry Boudaud, président de la Coop de l’eau, groupement de 400 agriculteurs qui porte ce projet soutenu par l’Etat, destiné à construire de vastes réserves pour permettre l’irrigation l’été, grâce au pompage des nappes phréatiques superficielles en hiver. Rien n’est venu pour l’instant perturber l’activité des pelleteuses. La « bassine » de Sainte-Soline, surnom donné par les opposants, est la deuxième des 16 réserves de plusieurs centaines de milliers de m3 qui doivent voir le jour dans ce département – une première a déjà été mise en service. Les bénéficiaires des réserves se sont engagés en contrepartie, dans un protocole signé en 2018, à adopter des pratiques tournées vers l’agro-écologie. Leurs détracteurs y voient à l’inverse une « fuite en avant » du modèle « productiviste ». Lors du rassemblement du 29 octobre, certains opposants avaient réussi à forcer brièvement les grilles du chantier, avant d’être repoussés par une partie des 1.500 gendarmes déployés sur le site. Manifestants et forces de l’ordre avaient déploré des dizaines de blessés, une poignée d’entre eux ayant été hospitalisés. Selon la Coop de l’eau, « il a fallu réparer une centaine de barrières mises à terre par les manifestants » mais cela « n’aura pas d’incidence sur le calendrier », qui prévoit une mise en service de la réserve au printemps 2024. « La fermeté a payé, aucune ZAD (zone à défendre, ndlr) ne s’est installée », a-t-on commenté mardi dans l’entourage du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. Six escadrons de gendarmerie, soit 400 à 500 gendarmes, ont été maintenus autour du site. Après la manifestation, les opposants avaient édifié des tours de guet et des palissades en bois sur un terrain situé à deux kilomètres du chantier mais en précisant que leur objectif n’était pas d’organiser une ZAD. Ils avaient en revanche réclamé un moratoire au gouvernement. Les tours de guet et les palissades ont été détruites, a constaté mardi un journaliste de l’AFP. « Tout a été écrasé, y compris les vélos qu’on avait laissés », a déclaré à l’AFP Jean-Jacques Guillet, un des porte-parole du collectif « Bassines, non merci ». M. Guillet s’est par ailleurs dit pas « vraiment surpris par cette reprise des travaux ». « L’État s’obstine à vouloir passer en force alors que ce projet est d’une incohérence absolue, ce n’est pas la bonne méthode », a-t-il ajouté. « On va mettre en oeuvre ce qu’on a annoncé, c’est-à-dire organiser un nouveau rassemblement qui sera d’une ampleur encore plus importante. »