Faire plus avec moins: l’insoluble équation des agents du ministère de la  Transition écologique

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Heiko Stein de Pixabay
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« Des variables d’ajustement »: malgré l’ambition affichée par le gouvernement sur les sujets environnementaux, les agents du ministère de la Transition écologique peinent à assurer leurs missions face à la baisse continue de leurs effectifs.

« Il y a une déconnexion entre les missions qui augmentent et les moyens », déplore Zaïnil Nizaraly, secrétaire général de la Feets-FO, la branche du syndicat spécialisée notamment dans l’environnement. « Nos ministères sont des variables d’ajustement par rapport à d’autres », estime pour sa part Philippe Garcia, secrétaire général de la CGT Equipement Environnement.  « L’écologie, c’est pas un truc primordial » en dépit de la tenue cette semaine à Marseille du Congrès mondial de l’Union internationale pour la
conservation de la nature (UICN), regrette-t-il. Les syndicats alertent pourtant depuis plusieurs années sur la baisse des effectifs. En 2019, un communiqué intersyndical s’inquiétait de la perte programmée de près de 5.000 équivalents temps plein (ETP) d’ici 2022 au sein du ministère de la Transition écologique et solidaire, soit un déclin de quelque 5% des effectifs. Selon des chiffres transmis à l’AFP par la CGT, le ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie comptait plus de 44.500 agents en 2012. Neuf ans plus tard, ils ne seraient plus que 29.400 environ au ministère
de la Transition écologique. En ajoutant les agents des ministères de la Mer et de la Cohésion des Territoires, les effectifs s’établiraient à 35.800 ETP.
« Aujourd’hui, nous ne sommes pas un ministère prioritaire: à partir de là, on peut soit stabiliser soit réduire les effectifs »,explique William Fiacre, secrétaire général d’Unsa Développement Durable (3e syndicat au ministère, derrière la CGT et FO). Les différents acteurs interrogés par l’AFP reconnaissent à la ministre Barbara Pompili une prise de conscience de la réduction continue des effectifs. La semaine dernière, un « renfort de 20 équivalents temps plein » pour les parcs nationaux dès 2022 a d’ailleurs été annoncé, en plus des « 40 ETP supplémentaires déjà attribués aux parcs nationaux et aires protégées » en 2021. Mais le défilé de ministres depuis le début du quinquennat – dans l’ordre Nicolas Hulot, François de Rugy, Elisabeth Borne et Barbara Pompili – contribue à ce qu' »au moment des arbitrages interministériels, on ne gagne jamais », soupire Patrick Saint-Léger (Syndicat national de l’environnement-FSU). La chute des effectifs s’explique aussi par le transfert de certains agents vers d’autres ministères, notamment à l’Intérieur. Moins nombreux, les agents du ministère de la Transition écologique doivent
renoncer à certaines missions. Zaïnil Nizaraly cite ainsi l’exemple des parcs et des aires maritimes protégées. « Quand on voit l’augmentation du volume des aires protégées, on n’est pas du tout à la hauteur » en termes d’effectifs, juge-t-il.
Le même problème s’est récemment posé au sein de Voies navigables de France (VNF), un établissement public du ministère. « Cet été, ils ont dû réduire d’un mois voire un mois et demi la navigabilité de certaines voies d’eau, en raison d’un manque de personnel d’exploitation », raconte Laurent Janvier, secrétaire fédéral de la Feets-FO.
Conséquence de ce manque de personnel, « il y a de la souffrance au travail », souligne William Fiacre. « Face aux réorganisations constantes, systématiques », le représentant de l’Unsa, rejoint par les autres syndicats du ministère, fait état de plusieurs cas de burn-out. Une source syndicale évoque aussi une dizaine de suicides recensés depuis le début de l’année, bien qu’il soit « difficile de faire la part des choses entre ce qui relève de la situation personnelle et de la situation professionnelle ».
Le mal-être serait particulièrement prononcé à l’Office français de la biodiversité et au Cerema, un établissement d’expertise et d’appui des politiques publiques auprès des acteurs territoriaux. Pour rendre hommage aux agents disparus, « nous en sommes arrivés aujourd’hui à une minute de silence par semaine », dénonçaient la CGT, FO et l’Unsa dans une lettre ouverte publiée en mars 2021.

Jeudi en milieu d’après-midi, le ministère n’avait pas répondu aux sollicitations de l’AFP.

Après des années de réorganisations, « les agents deviennent des touche-à-tout, experts en rien du tout », résume Philippe Garcia.  Certains « finissent par partir, écoeurés qu’on ne leur donne pas les moyens d’assurer leur mission », conclut-il.