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Trois questions à Dominique Aribert, directrice du pôle « Conservation de la nature » de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO)

ANES : Les ONG françaises et allemandes de protection de la nature ont écrit à Angela Merkel et Emmanuel Macron à l’occasion de la célébration du 55ème anniversaire du Traité de l’Elysée, pour les sensibiliser aux enjeux écologiques de la politique agricole commune (PAC). D’où est venue cette initiative ?

Dominique Aribert : elle a des origines multiples, mais elle s’est concrétisée au sein des deux réseaux qui fédèrent nos associations en Europe : le Bureau européen de l’environnement (BEE), dont est membre France Nature Environnement, et Birdlife, dont font partie la LPO en France, et la Naturschutzbund Deutschland (NABU) en Allemagne. Dans nos travaux sur la prochaine PAC, c’est la NABU, est en première ligne à l’échelon européen, qui est en quelque sorte notre chef de file. Nous partageons à travers l’Europe une même vision de l’effet dévastateur de l’agriculture. Nous voyons partout en Europe le même modèle d’agriculture intensive que promeut le pilier 1 de la PAC, celui qui porte sur les mesures de soutien aux marchés et aux revenus des exploitants agricoles, et qu’on n’a jamais réussi à faire véritablement évoluer, en dépit de mesures de « verdissement » qui sont toujours restées au stade d’un vernis sans effet réel sur la biodiversité. Pas besoin de grande démonstration pour affirmer cela : on voit bien que malgré nos efforts de nombreuses années, rien de s’est réellement amélioré. Et nous sommes parfaitement conscients, à la NABU comme à la LPO, que dans toutes les discussions de la précédente PAC ce sont nos deux gouvernements, français et allemand, qui ont bloqué toutes les discussions, empêché toutes les avancées. Certes, il y a peut-être un peu plus d’agriculture biologique en Allemagne qu’en France –encore que nous soyons en progrès sur ce point-, il y a sans doute, dans les cantines scolaires allemandes, une plus grande part de produits issus d’une agriculture durable ou de l’agriculture biologique. Mais le pilier 1 est le même, il est appliqué de la même façon dans toute l’Europe.

ANES : avez-vous reçu une réponse de la part des destinataires de votre courrier ?

Dominique Aribert : Non, nous n’avons pas eu de réponse formelle, mais notre courrier a été abondamment relayé dans les médias, et c’était le but. Nous savons aussi que la France fait désormais valoir l’impératif d’une transition écologique, y compris en matière agricole. Cela fait partie du nouveau discours français, et nous nous en réjouissons. Il va maintenant falloir que cela se concrétise dans les politiques publiques. Le premier objectif, c’est de réorienter la PAC en sorte que les financements publics apportent aux agriculteurs une rémunération qui ne soit pas liée à ce qu’ils produisent, mais à ce qu’ils produisent en matière de biodiversité. Nous attendons des mesures concrètes pour la biodiversité et l’eau, cela passera par une promotion de l’agroécologie, par le fait de favoriser des exploitations plus petites, pratiquant la polyculture. Et de façon opérationnelle, cela passera par une forte conditionnalité des aides. Dans ce combat, le monde agricole n’est absolument pas notre adversaire. Nous sommes parfaitement conscients que transformer le modèle agricole actuel en modèle agroécologique sera difficile, et que cela nécessitera un accompagnement financier important. En France, nous travaillons au sein d’un collectif qui s’appelle « Pour une autre PAC » et qui regroupe notamment des organisations agricoles, pas forcément syndicales, qui veulent aller dans le même sens*.

ANES : Ce type d’action transnationale est-il appelé à se renouveler ?

Dominique Aribert : Mais nous travaillons en permanence de cette façon, en étroite coopération avec nos collègues européens. Seulement, nous ne le faisons peut-être pas suffisamment savoir. Nous devons améliorer la communication sur nos actions. Ce n’est pas très facile, parce qu’il s’agît de sujets très techniques, que nous devons en permanence simplifier pour les rendre intelligibles et parce que le système dé décision en Europe est lui-même d’une effroyable complexité. Mais le bureau de Birdlife à Bruxelles mène une action permanente auprès de toutes les instances de l’Union : la commission, le conseil et le parlement. Au niveau européen, nous n’avançons pas en ordre dispersé, nous nous retrouvons derrière la bannière de Bridlife. Cette première initiative visible, et l’écho qu’elle a rencontré, montre cependant que nous devrons à l’avenir nous saisir de ces moments pour faire avancer les idées qui nous paraissent importantes. Il y aurait encore d’autres initiatives à conduire. Par exemple informer les citoyens européens sur la façon dont votent leurs députés au parlement européen. Cela nécessite une importante mutualisation de moyens. Pour notre part, au niveau de la LPO, nous allons nous renforcer sur la question de l’agriculture. C’est à nos yeux l’un des enjeux majeurs des années qui viennent. 

Propos recueillis
par Jean-Jacques Fresko

* Confédération paysanne, Fadear, Fnab, MRJC, Réseau Civam, Terre de Liens, Terre et Humanisme, Unaf, Agir pour l’environnement, CIWF, FCEN, FPNR, FNH, FNE, Générations futures, Greenpeace, LPO, Réseau Action Climat, WWF, ActionAid France, Agter, ATTAC, Comité Français pour la Solidarité Internationale, Ingénieurs sans frontières – Agrista, SOL, Bio Consom’acteurs, Chrétiens dans le monde rural, Générations Cobayes, Miramap, Plateforme pour le Commerce équitable, Slow Food