« Faut-il choisir entre nature et économie ? »

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Trois questions à Arnaud Collin, Directeur de l’association Réserves naturelles de France (RNF)

ANES : La Réserve naturelle des Iles du Cap corse vient d’être créée. Est-ce le signe d’une dynamique dans la création de nouvelles réserves ?

Arnaud Collin : C’est un cas très particulier. Même si formellement une nouvelle réserve est créée, son périmètre intègre celui d’une réserve préexistante, celle des îles de Finocchiarola. La superficie du nouvel ensemble n’excède pas 66 ha, mais les enjeux de biodiversité y sont extrêmement importants, et cette « création » est une excellente nouvelle ! Quant à la dynamique de création de nouvelles réserves, on constate qu’elle est du côté des Régions plus que de l’Etat. En 2015 par exemple, 27 réserves naturelles régionales (RNR) ont été créées, et seulement une réserve nationale (RNN). Cette importante dynamique de création de nouvelles RNR au cours de l’année 2015 s’explique par la volonté des exécutifs régionaux d’atteindre leurs objectifs avant le terme de leur mandat. En 2016, l’Etat n’a créé aucune réserve naturelle. Mais l’extension de la réserve naturelle des Terres australes et antarctiques françaises, qui est une RNN, est un événement majeur de l’année 2016, même si ce n’est pas une création ! La France en a fait la 6ème plus vaste aire marine protégée au monde : 670 000 km2, c’est nettement plus grand que la France métropolitaine. Côté RNR, l’année 2016 a été marquée par un fort ralentissement, dû parfois à des changements de majorité, et aussi à la mise en place des nouvelles grandes régions ; dans les deux cas, les politiques des Régions en matière de création de RNR restent à préciser. Au-delà de ces chiffres, un premier bilan de la Stratégie de création d’aires protégées (SCAP) pour les réserves naturelles est en cours de réalisation : un toilettage et un effort de remobilisation s’imposent sans aucun doute. En 2017, nous espérons voir l’aboutissement du projet de classement des Forêts de Mayotte en RNN, ce qui serait cohérent avec la responsabilité de la France en matière de biodiversité ultramarine.

ANES : Justement, le prochain congrès de Réserves naturelles de France se tiendra du 29 mai au 2 juin en Martinique. Pourquoi ce choix ? Là encore, pour rappeler la responsabilité de la France sur ses outre-mers ?

Arnaud Collin : Oui. Dix ans après le congrès de RNF de 2007, qui s’était déroulé en Guadeloupe, nous avons voulu dresser un bilan sur la période du réseau des réserves ultramarines. Et puis, plus simplement, le Parc naturel régional de Martinique s’est porté candidat pour accueillir ce congrès, et le conseil d’administration de RNF a considéré que c’était le bon moment pour un nouveau congrès ultramarin ! La situation dans les outre-mers est d’ailleurs une belle illustration de la thématique de ce congrès : « Nature, économie et société : choisir ou composer ? ». Nous prendrons le temps de réfléchir à l’articulation entre la protection des espaces, notamment des réserves, et le tourisme, l’accueil du public, la pratique des sports de nature, l’apport des espaces protégés à la santé et au bien-être des populations, et aussi à la culture. Nous avons la conviction que les réserves naturelles concourent à l’attractivité culturelle, sociale et économique des territoires !

ANES : Ce congrès sera le premier depuis la création de l’Agence française de la biodiversité (AFB). Ce n’est sans doute pas neutre…

Arnaud Collin : Bien sûr que non. L’AFB sera présente au congrès, elle aura un espace de présentation, et nous aurons en plénière un temps dédié à la question importante de l’articulation entre l’AFB, les réserves naturelles et RNF. Symboliquement cela nous permettra de mesurer le chemin parcouru, et l’aboutissement de 5 années de réflexion sur la place respective de l’AFB et de RNF. Aujourd’hui les réserves invitent l’AFB à leur congrès et nous discuterons lors de ce moment essentiel pour le réseau de l’opportunité d’une convention-cadre afin d’améliorer la qualité de gestion des réserves, la formation des agents, le développement d’initiatives aux bénéfices des gestionnaires de réserves naturelles et plus largement des autres espaces naturels protégés par exemple. Il est essentiel que nous puissions travailler main dans la main avec l’AFB pour garantir aux gestionnaires des réserves naturelles – conservatoires d’espaces naturels, parcs naturels régionaux, associations locales et nationales, établissements publics, collectivités locales – les services les plus professionnels possibles !

Propos recueillis
par Jean-Jacques Fresko