Trois questions à Éric Alibert, peintre, à l’occasion de la sortie du livre d’aquarelles et de peintures « Cœurs de nature en Haute-Savoie » co-édité par Asters – Conservatoire d’espaces naturels de Haute-Savoie.
ANES : Vous avez réalisé près de 200 œuvres sur les espaces naturels de Haute-Savoie, sur une commande du Conservatoire des espaces naturels du département. Comment avez-vous travaillé avec l’équipe du conservatoire ?
Eric Alibert : Ces gens qui sont en permanence sur le terrain sont très vite devenus des amis. Ils m’ont guidé dans ces territoires qu’ils ont la charge de protéger, et ils m’ont permis de découvrir ce que, seul, je n’aurais pas su voir. Je suis ainsi passé à côté d’une famille de lagopèdes sans rien remarquer… Sans les professionnels d’Asters – Conservatoire d’espaces naturels de Haute-Savoie, mon regard n’aurait pas été le même, c’est évident. Pourtant, je reste strict sur un point : je ne peins que ce qui me fait vibrer. Si quelqu’un me dit : regarde ce paysage magnifique, ou cet oiseau ou cet insecte merveilleux, et que je ne ressens rien, je ne peins pas. Mes peintures ne décrivent pas la nature : elles décrivent mes émotions devant la nature !
Cœurs de nature en Haute-Savoie
156 pages
Co-édition ASTERS – L’Agence Nature
39,00 €
Vous vous considérez comme un artiste naturaliste ?
Eric Alibert : J’ai un peu changé mon approche de ce point de vue-là. Je considère depuis quelques années que l’approche naturaliste nous donne un sentiment de plénitude, mais génère aussi une insatisfaction sur des enjeux majeurs. La peinture doit dire plus que la diversité et la fragilité de la nature, elle doit questionner le monde, autant que montrer le monde. La première fonction de l’art et de nous questionner. Une évocation strictement naturaliste du patrimoine manque à mes yeux de profondeur parce qu’elle ne questionne pas assez ! Quand on témoigne sur la nature, il faut questionner ce que nous sommes dans la nature.
Vous n’êtes donc pas un simple témoin, pas un journaliste ?
Eric Alibert : J’aime beaucoup une phrase de Nicolas Bouvier qui parle de « l’excès de profondeur du monde ». Pour lui cet excès de profondeur du monde nous laisse face à notre insuffisance d’âme. Je trouve cela assez juste… De ce point de vue-là, en effet, je ne suis pas un témoin, pas un reporter !
Propos recueillis
par Jean-Jacques Fresko