Une nouvelle étude publiée dans la revue Marine Environmental Research a analysé la résilience des écosystèmes des sources hydrothermales des profondeurs marines afin d’enrichir les connaissances sur le fonctionnement écologique de ces systèmes encore peu connus.
En 2017, des chercheurs du laboratoire « Environnement profond » de l’Ifremer ont mis le cap sur l’archipel des Açores dans le cadre d’une campagne intitulée Momarsat. L’objectif était des tester la résilience des écosystèmes des sources hydrothermales pour savoir à quel rythme la recolonisation et la cicatrisation des zones détruites s’opère. Les sources hydrothermales sont des sources d’eau chaude observées au niveau des dorsales océaniques. Lors de leurs recherches, les scientifiques se sont intéressés au relief sous-marin médio-Atlantique. Ils ont posé 13 cadres de 30 cm par 30 cm appelés quadrats, autour d’un édifice hydrothermal et ont retiré toute la faune présente.
Les biologistes ont ensuite observé l’ordre des retours des espèces sur les quadrats. Ils notent que les crabes et les crevettes sont les premiers à réinvestir les lieux. Ces espèces « opportunistes » profitent des restes de matière organique laissés sur le substrat lors du nettoyage et des émissions de fluides plus chaudes sur ces zones dénudées. Puis, les tapis microbiens se reforment sur le substrat et les gastéropodes, organismes brouteurs, recolonisent petit à petit l’espace. Les moules Bathymodiolus azoricus semblent être les dernières à retrouver leur place.
Les résultats publiés dans la revue Marine Environmental Research revèlent que la biodiversité des sources hydrothermales se régénère, mais en faible quantité. La masse totale des organismes vivants estimée sur les quadrats n’est revenue qu’à 10% de sa valeur d’origine. « Les zones impactées n’ont pas récupéré des perturbations à petite échelle que nous leur avons fait subir », explique Marjolaine Matabos, chercheure en écologie benthique au laboratoire « Environnement profond » de l’Ifremer dans un communiqué. « La dorsale Atlantique est une zone assez calme avec des éruptions volcaniques très rares. Dans le Pacifique, où des zones similaires sont impactées tous les 10-15 ans par des coulées de laves, la faune se serait potentiellement adaptée à ces perturbations fréquentes leur permettant de réinvestir plus vite les substrats mis à nu. »
Les sources hydrothermales sont très convoitées pour leurs ressources minières. L’Ifremer a interrogé la scientifique pour savoir s’il était possible d’extrapoler les résultats obtenus pour anticiper les impacts d’une exploitation des ressources minérales à grande échelle et a récolté une réponse négative. En effet, le changement d’échelle est trop important. « Nous parlons ici de moins d’un mètre carré quand les éventuelles futures exploitations minières s’étaleront sur des kilomètres. Certaines espèces qui ont pu migrer vers les quadrats dénudés sont en réalité peu mobiles et ne voyagent pas d’un site à l’autre. En plus, l’apport de larves pour recoloniser le milieu pourrait être différent dans le cas où les populations adultes se situeraient à des centaines de kilomètres », indique-t-elle.