🔻 Surveiller la résistance aux produits phytosanitaires pour diminuer leur utilisation

Photo d'illustration © Th G de Pixabay

1652
⏱ Lecture 3 mn.

Des scientifiques de l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) et de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) ont réalisé une étude comparant les différents systèmes de surveillance des résistances aux produits phytosanitaires dans le monde. Les résultats, publiés dans la revue Management Science montrent qu’il existe plusieurs approches complémentaires et qu’il serait judicieux de coopérer pour plus d’efficacité.

Pour lutter contre les maladies et ravageurs de cultures, les agriculteurs ont plusieurs solutions à disposition, mais l’usage de produits phytosanitaires est sûrement la réponse favorite de la filière : simple et efficace. Il n’y a qu’à voir la longue bataille contre les néonicotinoïdes. Ces insecticides interdits en 2016 ont été réintroduits il y a peu pour « sauver » les producteurs de betterave sucrière de la jaunisse (…de la betterave !). Seulement, dans certaines conditions d’utilisation, des insectes, champignons ou plantes indésirables peuvent devenir insensibles à ces produits. S’opère alors un cercle vicieux qui entraîne l’augmentation de l’usage de produits puisque pour éliminer le problème, il faut encore plus de substance chimique. Il est alors nécessaire de mettre en place une surveillance du développement de ces résistances afin de limiter l’utilisation des produits phytosanitaires en prévenant toute utilisation devenue inefficace. Des scientifiques de l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) et de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) ont mené une vaste étude pour comparer les systèmes de surveillance des résistances à travers le monde.

Une enquête a été menée auprès de 162 experts de 48 pays. L’Europe et l’Amérique du Nord ont fourni une part importante des contributions, des experts d’Amérique du Sud, d’Asie, d’Océanie et d’Afrique ont également participé. Trois types d’acteurs menant des travaux sur l’évolution des résistances aux produits phytosanitaires ont été identifiés par les chercheurs. « Une première catégorie inclut les organismes privés, comprenant les producteurs de produits phytosanitaires et les entreprises de conseil agricole. La seconde catégorie regroupe les acteurs académiques, c’est-à-dire les universités et les instituts de recherche. La troisième catégorie rassemble les acteurs gouvernementaux », indique l’Inrae dans un communiqué.

Les auteurs de l’étude constatent dans un premier temps que plus l’indice de développement humain (IDH) d’un pays est élevé, plus la surveillance de la résistance implique différents types d’acteurs. Ainsi, les trois catégories d’acteurs sont représentées dans 83% des pays ayant un fort indice de développement (supérieur à 0,9) et seulement dans 17% des pays avec un indice faible (inférieur à 0,8). Les acteurs gouvernementaux sont plus impliqués dans la surveillance des résistances aux produits phytosanitaires dans les pays avec un IDH élevé. L’étude relève ensuite que les objectifs de surveillance sont assez différents, mais sont pour autant complémentaires. Ils notent que les enjeux de la surveillance de résistance divergent selon les acteurs de même que les types de données. Trois gros objectifs ressortent de leur analyse :

  • Les entreprises privées ont pour objectif de vérifier l’efficacité de leurs produits. Elles ont aussi parfois des obligations réglementaires, comme en France, où les autorisations de mise sur le marché de produits avec un risque de développement de résistance peuvent s’accompagner d’une demande de surveillance et d’une obligation des fabricants de déclarer les résultats de leurs suivis aux autorités en cas d’évolution de la situation. Les travaux conduits par les acteurs privés couvrent donc une large gamme de produits, de cultures et de bio-agresseurs, mais toutes les données ne sont pas rendues publiques.
  • Les études menées par les acteurs académiques sont faites dans le cadre de projets de recherche. Ceux-ci concernent souvent une problématique bien précise, sur une durée de quelques années. Si le champ d’étude est restreint, le niveau de détail peut en revanche être important.
  • Enfin, les suivis menés par les acteurs gouvernementaux sont le plus souvent annuels et leurs résultats sont systématiquement publics. Ils permettent donc une surveillance sur le long terme, mais celle-ci concerne essentiellement les situations les plus à risque d’émergence et d’évolution des résistances.

L’Inrae précise dans son communiqué que les auteurs « soulignent que la surveillance des résistances aux produits phytosanitaires gagnerait en efficacité si ces acteurs collaboraient davantage, pour unir leurs capacités de collecte, d’analyse et de diffusion des données. »

Consulter l’étude