Les pollutions dues à la Seconde Guerre mondiale et à l’agriculture intensive affectent de manière irréversible la composition du plancton marin, selon une étude de l’Ifremer basée sur l’analyse des sédiments de la rade de Brest.
Une nouvelle étude a conclu que les pollutions humaines affectent durablement la composition du plancton marin. Pour parvenir à ce résultat, les chercheurs de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) ont prélevé des carottes de sédiments de plusieurs mètres de longueur dans la rade de Brest puis ont analysé l’ADN préservé dans ces sédiments pour déterminer à quels organismes il appartient. Les scientifiques ont ainsi pu retracer les espèces de plancton présentes dans l’eau depuis environ 1.400 ans.
Les variations les plus radicales apparaissent à partir de la Seconde Guerre mondiale. Et à partir des années 1980, les chercheurs ont constaté une augmentation de l’abondance de micro-algues toxiques, comme le dinoflagellé Alexandrium minutum qui produit des toxines paralysantes. « On s’attendait à trouver un changement des communautés de micro-algues sur les dernières décennies, mais pas forcément un changement aussi drastique en remontant jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale!« , explique Raffaele Siano, biologiste à l’Ifremer, cité dans un communiqué de presse.
La présence de polluants comme les métaux lourds ou le PCB seraient à l’origine de ce changement. « La rade de Brest a été marquée par des événements de pollution extrêmes lors de la Deuxième Guerre mondiale, avec notamment les bombardements des Alliés, nous en avons retrouvé la trace avec de fortes teneurs de métaux lourds dans les couches de sédiments de l’époque« , ajoute M. Siano. « Et depuis, la rade est le réceptacle d’une pollution chronique avec des contaminants issus notamment de l’agriculture intensive, c’est ce qu’on retrouve dans les sédiments plus récents des années 1980 et 1990. »
Au cours du temps, le plancton n’a pas retrouvé la composition qui était la sienne au Moyen-Age, ce qui « démontre l’irréversibilité des changements observés après l’effet cumulatif des pollutions de la guerre et de l’agriculture« , selon l’étude publiée dans la revue scientifique américaine Current Biology. Les changements de composition du plancton, qui joue un rôle clé dans les écosystèmes marin, pourraient d’ailleurs avoir des « effets en cascade sur d’autres composants biologiques de l’écosystème, affectant l’ensemble du réseau thropique marin« , estiment les auteurs de l’étude.