Une étude publiée dans la revue Molecular Ecology Resources montre que les grands mammifères amazoniens, qu’ils soient aquatiques, semi-aquatiques ou exclusivement terrestres, peuvent être inventoriés en collectant leur ADN dans l’eau des rivières.
Qu’il s’agisse de mammifères aquatiques comme les loutres, semi-aquatiques comme les tapirs ou exclusivement terrestres comme les singes, tous les organismes libèrent en continu de l’ADN dans l’eau par le renouvellement de leurs cellules ou en se décomposant après leur mort. En ce qui concerne les espèces terrestres comme les singes et les jaguars, ce mécanisme survient lorsqu’ils se baignent, s’abreuvent dans les cours d’eau et habitent les arbres qui surplombent les rivières. L’ADN libéré dans l’environnement s’appelle ADN environnemental ou ADNe. Ces informations peuvent être collectées pour retrouver leur appartenance et ainsi dresser une liste des organismes présents dans un écosystème.
Un consortium composé de chercheur du laboratoire Évolution et Diversité du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), du laboratoire SPYGEN et de scientifiques guyanais montre que les grands mammifères amazoniens peuvent être inventoriés en collectant leur ADN dans les rivières. Les recherches, publiées dans la revue Molecular Ecology Resources, ont été réalisées dans près de 100 sites localisés sur 3 cours d’eau de Guyane. Sur chacun des sites, les chercheurs ont extrait l’ADNe contenu dans l’eau et ont recherché la trace des grands mammifères, aquatiques ou non.
Les résultats issus de l’ADNe sont en parfaite adéquation avec les observations visuelles de mammifères réalisées depuis des années par les scientifiques guyanais. Les espèces considérées comme fréquentes ou comme rares sur le territoire le sont également dans les résultats issus de l’ADNe. Les auteurs soulignent que les espèces difficilement observables comme les espèces nocturnes, aquatiques ou cryptiques ont été plus fréquemment détectées par l’ADNe que par les inventaires visuels habituels.
Au total, plus de 30 espèces de grands mammifères ont été relevées par les chercheurs grâce à leur ADN. Les loutres géantes d’Amazonie ou les singes atèles, connus pour leur sensibilité aux activités humaines, ont été rencontrés dans les zones très isolées des occupations humaines. À l’inverse, les capybaras (les plus grands rongeurs du globe, atteignant 60 kg), peu dérangés par la présence humaine et peu prisés pour leur chair, sont plus largement répartis. Ces analyses ont également permis de détecter des espèces très discrètes telles que le lamantin dans les estuaires, ou le kinkajou, petit carnivore arboricole et nocturne dont la fréquence d’observation tout le long des fleuves s’est révélée bien plus importante qu’attendu.
Ces résultats reflètent les impacts des dégradations de l’environnement par l’homme. En effet, les zones les plus isolées sont bien plus riche en biodiversité que celles dégradées par les activités humaines.