🔻 Mais qui est vraiment le pangolin?

Photo d'illustration © Alex Strachan de Pixabay

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Une équipe de chercheurs a réalisé la première revue systématique et multidisciplinaire des pangolins, le mammifère le plus braconné au monde. Les travaux, publiés dans Biological Conservation, tentent de répondre au manque de connaissances sur cet animal.

Bien qu’il ait fait les gros titres des médias au début de la pandémie du covid-19, le pangolin reste un animal relativement peu connu. Ce mammifère possède une qualité unique, celle de posséder une armure constituée d’écailles kératinisées, servant de mécanisme de défense contre des prédateurs potentiels. Ce sont ces mêmes écailles qui rendent l’espèce très recherchée et braconnée pour le trafic d’espèces, dans des quantités record. Ce bouclier ainsi que d’autres parties du corps de l’animal servent en grande partie à alimenter la médecine chinoise. Malgré un intérêt grandissant pour les huit espèces de pangolins existants, les scientifiques manquent de données concernant leur biologie, l’intérêt qu’ils suscitent ainsi que leur attrait commercial. Pour remédier à cela, une équipe de chercheurs du laboratoire Evolution et Diversité Biologique a réalisé la première revue systématique et multidisciplinaire des pangolins. Les travaux publiés dans Biological Conservation cartographient les efforts de recherche depuis 1865, mettent à jour les facteurs à l’origine de la fluctuation de l’intérêt public pour les pangolins au fil du temps et caractérisent pour la première fois la dynamique des brevets relatifs à l’utilisation des produits dérivés, notamment par la pharmacopée chinoise.

Les auteurs de l’étude font un état des lieux des connaissances sur les pangolins et des facteurs socio-économiques liés à leur commerce et consommation. Ils ont notamment analysé 814 publications scientifiques depuis 1985 et ausculté 5296 brevets déposés. Les scientifiques ont constaté que bien que le taux de publications sur les pangolins soit significativement plus élevé que la moyenne scientifique mondiale, il existe d’importantes lacunes de connaissances notamment sur des thèmes cruciaux pour leur conservation tels que l’immunologie, l’éducation et les implications du braconnage sur le statut des populations sauvages. Sur 27 catégories de recherche, 52 % ne comptabilisent aucune publication pour au moins une des huit espèces, tandis que trois espèces présentent une production scientifique significativement plus faible que les autres (proportionnellement à la taille de leur aire de répartition).

Les travaux expliquent par ailleurs que la médecine traditionnelle chinoise semble être la principale entité liée aux brevets concernant l’utilisation des produits à base de pangolins. Cependant, les brevets de ces médicaments ne seraient pas motivés par des raisons scientifiques, ce qui remet en cause leur efficacité. Certains exemples de brevet prétendent guérir des maladies telles que le sida ou le cancer grâce à des produits à base de pangolins, des propriétés qui ne sont par aillerus aucunement suggérées par les principaux ouvrages de référence de la pharmacopée traditionnelle chinoise.

Le centre national de la recherche scientifique (CNRS) indique dans un communiqué que l’effort de recherche sur les thématiques de biologie de la conservation est inégal, avec de nombreuses publications sur les conditions d’élevage en captivité ou les volumes et la nature du commerce des pangolins, mais un nombre de recherches limitées sur des thèmes comme la réhabilitation ex situ ou les implications du commerce sur les populations de pangolins, ainsi que la perception du pangolin par le public et les populations impliquées dans la chasse et le commerce. Les chercheurs soulignent également que les États africains et les quatre espèces africaines sont bien moins représentés dans les travaux scientifiques que les espèces asiatiques. « Cette étude révèle également que la nouvelle d’un lien suggéré – à tort – entre les pangolins et la pandémie de COVID-19 (7 février 2020) était de loin la principale cause d’intérêt du public pour les pangolins, les consultations de la page Wikipédia dédiée aux pangolins en février et mars 2020 dépassant celle des lions et des éléphants pour la première fois depuis 2015 », ajoute le CNRS.

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