🔻 L’insecte qui volait des gènes aux plantes

Photo d'illustration © Stephen Ausmus / Wikimedia

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© Stephen Ausmus / Wikimedia
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Au fil des millénaires, l’aleurode du tabac a dérobé à des plantes un gène lui permettant de neutraliser une toxine que certaines d’entre elles produisent pour se défendre contre les insectes.

Un ravageur agricole pernicieux doit une partie de son succès à un gène dérobé à sa plante hôte il y a des millions d’années. Cette découverte, rapportée dans le journal Cell1, est le premier exemple connu de transfert naturel de gène d’une plante à un insecte. Elle explique également pourquoi l’aleurode du tabac (Bemisia tabaci) est si habile à dévorer les cultures : le gène qu’il a piqué à son hôte lui permet de neutraliser une toxine que certaines plantes produisent pour se défendre contre les insectes.

Cette petite mouche blanche – qui est plus étroitement liée aux pucerons qu’aux mouches – fait des ravages dans l’agriculture du monde entier : les aleurodes sucent la sève sucrée de centaines de types de plantes, tout en excrétant une substance collante et sucrée appelée miellat, qui sert de terreau aux moisissures. Les aleurodes sont également les vecteurs de plus de 100 virus pathogènes pour les plantes.

Le vol de gènes est déjà bien documenté par la science : depuis des millions d’années, les plantes et les insectes empruntent régulièrement aux génomes microbiens, utilisant parfois leurs gènes nouvellement acquis pour développer des stratégies défensives ou offensives. Ainsi, le le scolyte du caféier (Hypothenemus hampei) a pillé des gènes microbiens pour extraire davantage de nutriments des parois cellulaires végétales difficiles à digérer. Mais jusqu’à présent, les plantes et les insectes n’étaient pas connus pour se voler les uns les autres.

L’entomologiste Youjun Zhang de l’Académie chinoise des sciences agricoles de Pékin et ses collègues parcouraient le génome de B. tabaci à la recherche de gènes volés, lorsqu’ils en ont trouvé un qui semblait avoir évolué non pas chez d’autres insectes ou microbes, mais chez les plantes. Une étude plus approfondie a montré que le gène peut transférer un groupe chimique sur des composés défensifs appelés glycosides phénoliques. Ces composés sont fabriqués par de nombreuses plantes, dont les tomates, pour éloigner les parasites. Mais la modification causée par le gène de l’aleurode rendait ces composés inoffensifs. Ces résultats suggèrent que l’inhibition de ce gène pourrait rendre les aleurodes vulnérables à la toxine, offrant ainsi une voie potentielle pour combattre le ravageur.

La façon dont l’aleurode a réussi à s’approprier un gène végétal n’est pas claire. Il est possible qu’un virus ait servi d’intermédiaire, transférant le matériel génétique d’une plante vers le génome de l’aleurode.

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