Une étude a reconstitué l’histoire de la domestication de la moisissure utilisée pour l’affinage des fromages bleus, Penicillium roqueforti, et montre que l’AOP spécifiant l’utilisation de souches de champignons locales a eu un effet protecteur sur la diversité de la population Roquefort.
Des scientifiques ont analysé les génomes des champignons Penicillium roqueforti utilisés pour l’affinage des fromages bleus comme le roquefort. Deux domestications indépendantes ont été mises à jour, avec une population spécifique du Roquefort, et une lignée clonale utilisée pour tous les autres fromages bleus, et l’AOP spécifiant l’utilisation de souches de champignons locales a eu un effet protecteur sur la diversité de la population Roquefort. Pour leur étude, publiée dans Molecular Ecology, ces chercheurs du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), de l’Université de Paris Saclay, de l’Université de Brest, et de l’Institut National pour la Recherche Agronomique (INRA), en collaboration avec le LIP SAS, entreprise productrice de levains d’affinage, ont montré que la moisissure a été domestiquée deux fois indépendamment, pour la fabrication de différents types de fromages bleus : le Roquefort d’une part et les autres fromages bleus d’autre part. [ihc-hide-content ihc_mb_type= »show » ihc_mb_who= »1,2,3,4,5″ ihc_mb_template= »1″ ]
« La population utilisée pour produire le Roquefort est issue d’un ancien événement de domestication, associé à une réduction modérée de diversité génétique, et présente des caractéristiques bénéfiques pour la production fromagère préindustrielle, avec une croissance assez lente dans le fromage (ce qui permettait de les conserver plusieurs mois sans réfrigérateur) et une forte production de spores sur le pain, le milieu traditionnel utilisé pour cultiver le champignon« , détaille le CNRS dans un communiqué. De façon surprenante, la seconde population fromagère, plus récente et issue de la sélection d’une seule lignée clonale, est associée à tous les autres types de fromages bleus et dans de nombreux pays différents dans le monde (Gorgonzola, Bleu d’Auvergne, Stilton, Cabrales, Fourme d’Ambert, …).
Cette lignée clonale présente des caractères davantage adaptés à la production industrielle moderne de fromages, avec une plus grande activité de dégradation des lipides, une capacité de colonisation plus efficace des cavités du fromage, une plus grande tolérance au sel, et une très faible diversité. « L’AOP Roquefort inclut dans son cahier des charges l’utilisation de souches locales du champignon Penicillium roqueforti, ce qui a permis de protéger la diversité génétique de la population utilisée pour sa fabrication, explique le CNRS. Cette étude met ainsi en lumière les processus d’adaptation rapide et soulève des questions sur la conservation des ressources génétiques des organismes domestiqués. »
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