Une étude parue dans la revue scientifique Evolution Letters met en lumière le rôle potentiel des chromosomes sexuels sur la formation de nouvelles espèces. Des scientifiques ont remarqué que deux espèces proches de crapauds communs de France aux chromosomes sexuels différents parvenaient à s’hybrider malgré des différences fondamentales.
Une équipe scientifique composée de chercheurs du Centre d’Écologie Fonctionnelle et Évolutive (CEFE), de Nanjing et de Lausanne ont analysé dans une étude publiée par Evolution Letters, un phénomène remarquable chez les crapauds communs de France. Ils ont relevé que deux espèces proches avaient des chromosomes sexuels très différents : ZW comme chez les oiseaux pour l’une et XY comme chez les mammifères pour l’autre. Malgré ces différences fondamentales, les deux espèces parviennent à s’hybrider. Les chercheurs notent ici un exemple de flexibilité des amphibiens pour le déterminisme du sexe.
L’attribution du genre chez les différentes espèces varie. Chez les mammifères le mâle va avoir deux chromosomes sexuels différents (XY), la femelle va avoir deux chromosomes X (XX). Chez les amphibiens, un mâle peut aussi bien avoir deux chromosomes différents que deux chromosomes identiques, c’est également le cas pour la femelle. Les mécanismes génétiques changent très souvent chez les amphibiens, ainsi il est possible que de tels changement passent inaperçus et touchent des espèces évolutivement proches, encore capables de s’hybrider selon le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS).
Ce phénomène s’est produit en France, entre deux crapauds assez répandus sur le territoire : le crapaud commun et le crapaud épineux, d’apparence assez similaire. Ces deux espèces se rencontrent de la Normandie aux Alpes, créant des zones de contact. Les auteurs de l’étude se sont intéressés à ces zones où il est possible d’analyser ce qui a lieu lorsque deux lignées génétiques divergentes s’hybrident. Des scientifiques du CEFE ont tenté de comprendre l’évolution de ces espèces en réalisant une étude visant à comprendre l’origine de la riche diversité des amphibiens eurasiatiques, avec des technologies de séquençage de point. Un échantillonnage d’ADN non-invasif de grande envergure a donc été mis en place.
Les premières analyses ont donc indiqué un premier système de chromosomes XY comme chez les mammifères (dont les humains) alors que la plupart des crapauds sont connus pour présenter des chromosomes ZW comme chez les oiseaux. « Afin de percer ce mystère, les chercheurs ont fait appel à l’expertise de Daniel Jeffries (Université de Lausanne), qui a développé un algorithme pour analyser les chromosomes sexuels à partir de gros jeux de données génomiques. Ces efforts ont confirmé que ces crapauds possèdent bien des systèmes différents (XY chez l’un, ZW chez l’autre), illustrant ainsi la rapidité de ces changements chez les amphibiens » explique le CNRS.
L’analyse de populations effectuée entre Lausanne et Perpignan révèle des échanges génétiques, preuve que les deux espèces peuvent encore s’hybrider. Cependant, les génomes ne se mélangent que très peu, ce qui signifie qu’il y a des incompatibilités affectant la survie et/ou la fertilité des hybrides.