Des chercheurs ont mis en évidence la capacité des abeilles à se protéger de congénères malades en cas d’infection virale, mais aussi comment ces individus infectés pouvaient transmettre plus facilement les maladies à d’autres colonies.
Les abeilles ne sont pas étrangères à la distanciation sociale, selon une nouvelle étude. Lorsqu’une colonie est infectée par le virus israélien de la paralysie aiguë (virus IAPV), mortel, les abeilles sont moins susceptibles de toucher ou de nourrir leurs compagnons de nid malades. Mais le virus semble avoir une parade efficace : lorsque des abeilles malades tentent d’entrer dans une nouvelle colonie, elles réussissent mieux à passer les gardes que les abeilles non infectées. Cela a conduit les scientifiques à penser que le virus a évolué de manière à se propager vers de nouvelles ruches.
Les abeilles domestiques sont particulièrement vulnérables aux maladies infectieuses : Elles vivent dans des conditions de promiscuité et se touchent tout le temps. De plus, leur système immunitaire est faible par rapport à celui d’autres insectes. Elles dépendent plutôt de comportements hygiéniques, tels que le toilettage ou l’élimination des larves malades. Adam Dolezal, physiologiste des insectes à l’université de l’Illinois étudiant l’IAPV, s’est associé à l’informaticien Tim Gernat qui a mis au point un système automatisé pour surveiller le comportement des abeilles. L’équipe a collé des étiquettes sur le dos d’environ 900 abeilles dans trois colonies et les a suivies à l’aide d’un appareil photo, qui prenait des photos toutes les secondes. Un ordinateur cartographiait l’emplacement et l’orientation de chaque abeille étiquetée, et suivait tout particulièrement le comportement de trophallaxie, lors duquel les abeilles nourrissent leurs collègues de travail en régurgitant de la nourriture à partir d’une poche.
Pour savoir comment les abeilles réagiraient au virus IAPV, les chercheurs ont placé 90 à 150 insectes étiquetés dans chaque colonie après les avoir infectés. Après cinq jours d’enregistrement, l’équipe a constaté que les abeilles saines évitaient tout contact avec les abeilles infectées. Par rapport aux ouvrières saines, les abeilles malades étaient exclus de près de la moitié des comportements de trophallaxie. Ce n’est pas faute d’avoir essayé : les abeilles malades se déplaçaient dans la colonie plus que les autres abeilles, probablement à la recherche de quelqu’un pour les nourrir.
Pour découvrir comment le virus se propageait malgré tout avec succès, l’équipe a pris des abeilles infectées et les a placées à l’extérieur d’une autre colonie. Les gardiennes ont laissé entrer environ 30 % d’entre elles, contre environ 15 % d’abeilles étrangères saines. Il semblerait donc que l’IAPV réussit à tromper les sentinelles, peut-être en modifiant la composition chimique des abeilles. Les scientifiques ont en effet découvert que l’infection par l’IAPV entraînait des niveaux plus faibles d’octacosane, ce qui a été associé à une meilleure acceptation par les autres abeilles. Les abeilles malades étaient également plus soumises lorsqu’elles étaient défiées par les gardiennes et plus susceptibles de leur offrir de la nourriture, et ces comportements peuvent également les aider à propager la maladie. Ces résultats mettent notamment en évidence les dangers d’une trop grande proximité entre les ruches commerciales.