Dans une tribune publiée dans le Journal du CNRS, un collectif de scientifiques rappelle l’importance de la recherche en écologie et évolution pour comprendre les phénomènes d’émergence de maladies infectieuses, et anticiper les menaces futures.
« Cette pandémie est certes de nature exceptionnelle, mais malheureusement n’est pas une surprise, écrivent les chercheurs. La crainte d’une expansion fulgurante d’une maladie infectieuse à l’échelle mondiale a déjà résonné plusieurs fois ces dernières années avec l’apparition et la propagation de nombreux virus comme le SRAS (SARS-CoV, 2002-2003), le MERS-CoV (2012), Zika (2014-2016) et Ebola (2013-2015 en Afrique de l’Ouest et aujourd’hui encore en République démocratique du Congo). Ces précédents épisodes ont pu être contrôlés mais ont alerté sur le fait que quelque chose de plus grande ampleur pouvait un jour arriver. Une pandémie dont l’amplitude pourrait s’approcher de celle de la grippe espagnole de 1918, responsable de la mort de 20 à 50 millions de personnes. Aujourd’hui, nous y sommes. Nous faisons face à l’émergence que nous redoutions. Mais sait-on ce qu’il s’est passé ? »
Ils rappellent que le virus SARS-CoV-2 est un exemple de « zoonose », c’est-à-dire le résultat du passage d’un pathogène de l’animal vers l’homme. Environ 60 % des nouvelles maladies infectieuses qui apparaissent chez les humains aujourd’hui (les maladies dites émergentes) sont le résultat d’un tel phénomène. Ce processus est déjà survenu de nombreuses fois dans l’histoire des populations humaines, au cours des derniers millénaires.
« Aujourd’hui, poursuivent-ils, en absence d’autres mesures prophylactiques ou thérapeutiques, nous tentons de stopper la progression du SARS-CoV-2 en limitant la transmission du virus entre individus. Mais aurions-nous pu agir plus tôt ? Ou du moins, pourrions-nous limiter l’émergence de nouvelles zoonoses dans le futur ? Quant à l’actuelle pandémie Covid-19, pouvons-nous en prévoir le cours ? C’est ici que les disciplines de l’écologie et de l’évolution entrent en jeu et deviennent fondamentales par l’analyse du fonctionnement des pathogènes dans leur(s) environnement(s) et la caractérisation des différentes étapes clés conduisant à l’apparition de nouvelles infections chez les humains ».
Les signataires de la tribune plaident donc pour une plus grande prise en compte de leurs disciplines dans les processus de décision publique… et surtout pour que les moyens de faire progresser la connaissance soient garantis à leurs laboratoires.