Bonne nouvelle : les évolutions génétiques spontanées rendent les lapins plus résistants à la myxomatose. Mauvaise nouvelle : le virus s’adapte à son tour…
Originaire d’Amérique centrale et d’Amérique du sud, le virus de la myxomatose est un virus bénin pour les lapins américains du genre Sylvilagus. Il est en revanche très virulent pour les lapins européens du genre Oryctolagus chez qui il provoque de fortes mortalités. Le virus a été introduit en 1950 en Australie pour réguler les populations de lapins de garenne à l’origine de dommages environnementaux et économiques majeurs. Il a ensuite été introduit illégalement en 1952 en France par le Dr Armand-Delille qui souhaitait éliminer les lapins sur sa propriété en Eure et Loir. De là, le virus a colonisé toute l’Europe dont le Royaume Uni en décimant les populations, la mortalité ayant alors été estimée à environ 95%. Une étude conduite par un consortium international coordonné par l’Université de Cambridge et l’Institut CIBIO de Porto et regroupant 24 instituts de recherche, dont l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), révèle le mécanisme génétique par lequel, sous l’effet de la sélection naturelle, le lapin de garenne a développé une résistance à la maladie. Utilisant les dernières technologies, les scientifiques ont extrait l’ADN de près de 200 lapins collectés de 1865 à 2013 en Australie, en France et au Royaume Uni, c’est à dire avant et après la propagation de la myxomatose dans ces trois pays. Les prélèvements anciens proviennent de lapins naturalisés issus de 11 musées d’histoire naturelle, l’un d’entre eux ayant été collecté par Charles Darwin. Les scientifiques ont ensuite séquencé près de 20 000 gènes pour identifier les mutations apparues depuis les pandémies de myxomatose des années 1950. Les résultats montrent que les évolutions génétiques observées ont été les mêmes dans les trois pays et que les gènes concernés par cette évolution sont impliqués dans l’immunité antivirale et la réplication virale. Une expérimentation a confirmé que les mutations sélectionnées augmentent l’activité antivirale de ces gènes. Le système lapin/myxomatose est depuis longtemps un exemple classique de coévolution entre un hôte et son pathogène. Il a en effet été rapidement observé une diminution de l’impact de la maladie attribuée à une diminution de la virulence moyenne des souches virales et au développement de résistance chez le lapin de garenne. Ce travail décrypte le processus de sélection ayant permis de développer cette résistance. Toutefois, dans cette course à l’armement, l’évolution virale semble s’adapter à l’évolution de la résistance génétique du lapin. Ainsi, la comparaison de souches récentes de virus myxomateux, isolées dans les années 1990, avec des souches anciennes, isolées dans les années 1950, a montré un accroissement du caractère immunosuppresseur du virus.