Trois questions à Bruno David, président du Muséum national d’histoire naturelle.
Laurence Coustal : que représentent les océans dans l’écosystème mondial ?
Bruno David : l’océan c’est 96% du volume offert à la vie sur Terre. Il couvre 70% de la surface de la planète. Avec une profondeur moyenne de 3.700 mètres. Contrairement à la vie sur les continents, limitée à une pellicule de surface, la vie dans l’océan se retrouve dans toute la colonne d’eau, certes pas avec la même abondance, mais néanmoins partout. Un volume gigantesque offert à la biodiversité en général. Or depuis que l’humanité existe, quatre personnes seulement sont descendues en dessous de 10.000 mètres de profondeur quand douze personnes sont déjà allées sur la Lune. Ce monde fascinant, nous est globalement inconnu. Nous venons de là et nous restons toujours très très dépendants de l’eau d’un niveau physiologique. Aucun animal, aucune plante ne s’en affranchit totalement.
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L.C : comment se porte l’océan ?
B.D : il se trouve qu’en tant que biologiste marin, j’ai eu la chance de plonger à 2.500 mètres de profondeur avec le Nautile de l’Ifremer. On descendait très au large d’une région relativement désertique du Pérou, au large de nulle part et là, j’ai découvert un seau en plastique ! J’ai encore l’image en tête… Ce n’est qu’une petite anecdote mais qui résume tout. Outre les pollutions par les plastiques, nous pouvons décliner l’épuisement des ressources, l’épuisement des stocks de poissons, le remplacement des poissons par des méduses dans de nombreux endroits, le changement de Ph de l’océan et les problèmes liés à l’incorporation de CO2 dans l’océan. L’océan nous rend beaucoup de services écosystémiques, au-delà des ressources alimentaires, dans la régulation du climat, dans le piégeage du CO2 (la moitié de ce que la planète absorbe), où la production d’oxygène (plus de 50 % de l’oxygène de l’air que nous respirons provient du plancton marin). Or tout cela se modifie de manière très sensible. L’océan participe également beaucoup à la formation des nuages dans le cycle de l’eau. Contrairement à ce qu’on pense, ces derniers ne sont pas composés de vapeur d’eau mais de gouttelettes d’eau. Or les micro-algues du plancton produisent un des éléments nécessaire à la formation de ces gouttelettes: le dimethyl sulfate. Si on altère ce petit plancton végétal peut-être que tout cela fonctionnera moins bien demain, modifiant notre climat global.
L.C : comment sensibiliser au mieux à ces enjeux écologiques ?
B.D : ma devise, c’est émerveiller pour instruire. Si nous présentons certaines des menaces qui pèsent sur l’océan, ce n’est pas pour autant le fil rouge. Je voulais plutôt surprendre et instruire en montrant une facette de l’océan un peu différente: mystérieuse, un peu étrange. Je pense que l’on ne peut pas protéger quelque chose que l’on ne connait pas, que l’on ne comprend pas. Il existe une sorte de filiation logique entre je connais, je comprends et je suis prêt à faire des efforts pour protéger.
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Propos recueillis
par Laurence Coustal