Une étude révèle la diversité et les capacités d’adaptation de champignons symbiotiques insulaires, qui pourraient aider à la réhabilitation des sols dégradés.
Les champignons mycorhiziens sont des champignons microscopiques enfouis dans le sol et capables d’entrer en association avec les racines des plantes. Cette symbiose présente des caractéristiques intéressantes pour l’agriculture, car les champignons transfèrent alors des éléments minéraux issus du sol aux végétaux, participant ainsi à leur nutrition et à leur physiologie. Une étude sur la diversité de ces champignons mycorhiziens dans les milieux insulaires révèle des capacités de diffusion et d’adaptation aux milieux éloignés et hostiles extraordinaires. Les scientifiques, dont un microbiologiste du Laboratoire des symbiose tropicales et méditerranéennes (LSTM) de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), ont comparé la structure des communautés mycorhiziennes de 13 îles du monde entier avec celle des communautés continentales. Alors que la diversité de la faune et de la flore des îles est généralement plus faible que sur les continents, notamment en raison de leur éloignement et de leur petite superficie, celle des champignons leur a réservé quelques surprises. « L’analyse et la comparaison d’ADN mycorhiziens d’origines insulaires et continentales indique en effet que les communautés fongiques des îles sont aussi variées que celles des continents. C’est même vérifié pour les systèmes insulaires situés à plus de 6 000 kilomètres d’un continent ! », explique le chercheur de l’IRD, Philippe Jourand. Mais pour coloniser efficacement les îles, les champignons mycorhiziens ont exprimé un trait génétique particulier qui rend la structure de leur diversité différente des communautés continentales : le groupe des champignons à grosses spores, généralement minoritaires, y sont surreprésentés, notamment dans les îles océaniques les plus éloignées de toute terre. L’IRD explique que « les grosses spores permettraient d’emporter sur de plus longues distances les réserves suffisantes pour germer à l’arrivée », rendant la dispersion des champignons plus efficace. Les capacités d’adaptation des champignons mycorhiziens continentaux à leurs nouvelles conditions environnementales insulaires a également frappé les scientifiques : « ils mettent en place des écotypes, une sorte de variant de l’espèce initiale, possédant les mêmes caractéristiques génétiques globales, mais fonctionnant différemment par l’activation de certains gènes », indique Marc Ducousso, écologue microbien au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). Cette stratégie permet à leurs plantes symbiotiques de vivre dans des milieux souvent hostiles à cause du sel, du soleil et de la nature des sols. « Grâce à leur formidable capacité à résister à des stress environnementaux, ces champignons pourraient être valorisés sous forme de biofertilisants pour réhabiliter des sols dégradés », par exemple à Madagascar ou en Martinique, conclut le microbiologiste Robin Duponnois, directeur du LSTM.