⏱ Lecture 3 mn.

Alors que s’est tenue du 5 au 9 Juin la conférence sur les océans des Nations Unies à Miami, deux études ont été publiées démontrant l’impact des pollutions plastiques sur les fleuves, les mers et les océans.

Les déchets plastiques jetés dans les cours d’eau, principalement en Asie, sont l’une des plus grandes sources de pollution des océans à travers le monde, d’après une étude menée par des chercheurs néerlandais. Les fleuves déversent entre 1,15 et 2,41 millions de tonnes de plastiques chaque année dans les océans, soit environ 50 kg par seconde, a souligné jeudi à l’AFP Jan van Ewijk, chargé de communication d’Ocean Cleanup, une fondation néerlandaise développant de nouvelles technologies pour nettoyer les océans de ces déchets. Deux tiers de cette pollution globale proviennent des vingt fleuves les plus polluants, d’après l’étude publiée mercredi dans le journal Nature Communications. Et 86% de ces détritus plastiques sont émis par des cours d’eau asiatiques, ont précisé les chercheurs d’Ocean Cleanup. Situé en Chine, le Yangtsé, l’un des plus grands fleuves du monde, « est le bassin hydrographique qui contribue le plus » à la pollution océanique mondiale, déversant pas moins de 330 000 tonnes de plastique dans la mer de Chine orientale. Viennent ensuite le Gange en Inde ainsi que les fleuves Xi, Dong et Zhu Jiang en Chine et les fleuves indonésiens Brantas, Solo, Serayu et Progo. Cela « accentue le besoin de concentrer les efforts de contrôle et de réduction dans les pays d’Asie connaissant un développement économique rapide et une faible gestion des déchets » ont souligné les chercheurs.

La biodiversité marine fait la première les frais de cette pollution plastique, comme le montre une autre étude publiée par le WWF et portant sur des cétacés vivant en Méditerranée, comme le rorqual commun, le cachalot et le globicéphale noir. Les populations de ces espèces évoluant dans le sanctuaire Pelagos, une aire marine de 87 500 km2 dans le nord-ouest de la Méditerranée, présentent « une contamination significative » aux phtalates, des substances chimiques présentes notamment dans le plastique, qu’ils ingèrent directement ou via leurs proies, a dit à l’AFP Denis Ody, responsable océans et côtes au WWF France. « Si ces animaux, qui vivent au large, sont contaminés, ce n’est pas anodin, cela doit nous alerter », souligne-t-il.

Les phtalates, utilisés surtout pour assouplir les matières plastiques, sont très présents dans notre quotidien (films plastiques, emballages, revêtements de sol, tuyaux, peintures…). On les trouve aussi dans les cosmétiques (parfums, laques, vernis…). Ils nuisent à la fertilité. Le WWF a réalisé en 2016 des biopsies (prélèvements de peau et de gras) sur 85 mammifères marins (70 rorquals communs, 9 cachalots et 6 globicéphales noirs) dans le sanctuaire. Ces échantillons ont été analysés en partenariat avec l’Université Aix-Marseille, en recherchant la présence de dix phtalates particulièrement dangereux ou utilisés. « L’ensemble des échantillons analysés montrent des concentrations significatives en phtalates » et « les trois espèces (…) sont touchées », selon l’étude. Un seul phtalate, le DNDP, « n’a jamais été détecté ». « Le plus dangereux », le DEHP, reconnu comme perturbateur endocrinien, occupe la deuxième place en termes de concentration, avec une valeur moyenne d’environ 1 060 microgrammes par kilo de matière sèche, selon l’étude. A titre de comparaison, pour l’homme, « on considère qu’une source alimentaire a une concentration élevée lorsque la quantité de phtalate passant du plastique dans l’aliment est supérieure ou égale à 300 microgrammes/kg », précise-t-elle. Les niveaux de contamination sont différents selon les espèces et au sein d’une même espèce. « Les rorquals semblent plus contaminés que les cachalots », peut-être à cause de leur mode de nutrition: ils filtrent de grands volumes d’eau et ingèrent ainsi à la fois des proies contaminées et directement des microplastiques. L’étude doit être poursuivie notamment en élargissant les échantillons de cachalots et de globicéphales noirs et en échantillonnant d’autres zones de la Méditerranée.

Chaque année, plus de huit millions de tonnes de déchets plastiques se retrouvent dans les océans. Le volume de déchets plastiques pourrait dépasser le volume de poissons dans les mers d’ici 2050. « Près de 269 000 tonnes de déchets plastiques formés de plus de 5 000milliards de particules flottent sur les océans, rappelle Isabelle Autissier, présidente du WWF France, dans un communiqué. […] S’il est urgent de nettoyer les océans de leurs plastiques, il est tout aussi prioritaire de prendre des mesures de réduction de la pollution par toutes les sources de contamination par les phtalates ».