MNHN et CNRS : Une cuisse de grenouille en cache une autre

Photo © ALF photo Fotolia

2577
⏱ Lecture 2 mn.

Une étude démontre que les cuisses de grenouilles achetées en grande surface proviennent principalement d’une autre espèce, peut-être menacée d’extinction, que celle inscrite sur l’étiquette.

Depuis 1979, les espèces françaises de grenouilles sont protégées car menacées d’extinction. Les cuisses de grenouilles consommées dans l’Hexagone proviennent donc majoritairement d’espèces tropicales. Il s’agit d’un commerce important puisque chaque année près de 5000 tonnes de grenouilles sont importées principalement d’Indonésie, ne provenant pas d’élevage mais prélevées directement dans la nature.

En utilisant la méthode moléculaire du Barcoding – qui permet d’identifier les espèces à partir d’une courte séquence de leur ADN, dans ce cas le gène 16S – l’Institut de systématique, évolution et biodiversité, composé de chercheurs du Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN), du CNRS, de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes et de l’Université Pierre et Marie Curie, a pu identifier les espèces contenues dans les sachets de 209 cuisses de grenouilles surgelés achetés en magasins. Dans 99 % des cas, le consommateur ne mange pas l’espèce dont le nom est inscrit sur l’emballage. « À moins que les erreurs de classification ne soient intentionnelles, il semble que les exportateurs indonésiens de cuisses de grenouilles ne soient pas en mesure de discriminer les espèces », indiquent les auteurs de l’étude. Pour les non-initiés, il est difficile de faire la distinction entre les différentes grenouilles mais pour les taxonomistes, il existe une réelle différence entre Rana macrodon, l’espèce annoncée sur l’étiquette des 209 spécimens achetés, et l’espèce réellement vendue pour 206 d’entre eux, Fejervarya cancrivora. Dans la classification, ces deux espèces de grenouilles sont aussi éloignées que la vache et le mouton.

Les protecteurs de la nature s’inquiètent pour l’avenir des espèces vendues dans le commerce. En effet, chaque année, entre 180 millions et un milliard de grenouilles sont tués en Indonésie sans qu’aucune étude scientifique n’ait été menée sur les effets de cette collecte sur les populations de grenouilles et sur la biodiversité de l’Indonésie. Parmi les 209 spécimens analysés, deux proviennent de l’espèce Limnonectes macrodon. Or pour les chercheurs, « la quasi absence de Limnonectes macrodon dans nos échantillons pourrait être une indication de sa rareté, confirmant que ses populations naturelles déclinent rapidement, en accord avec son statut « vulnérable » selon la Liste Rouge de l’UICN. » Ces résultats soulignent la nécessité d’études à grande échelle pour évaluer l’état des populations sauvages afin de mieux les protéger.

Lire l’étude