Nouveau parquet européen, renforcement de la justice pénale spécialisée, en particulier pour les atteintes environnementales : l’Assemblée nationale a entamé mardi 4 décembre l’examen d’un projet de loi répondant à des « engagements forts de ce quinquennat« , selon le garde des Sceaux.
Examiné en première lecture après le Sénat en début d’année, un nouveau projet de loi prévoit tout d’abord d’adapter la législation française à la création du Parquet européen, instance supranationale chargée de la lutte contre les atteintes aux intérêts financiers de l’Union européenne (escroqueries à la TVA, corruption, détournement de fonds publics…). Le parquet européen, rassemblant 22 pays de l’UE et installé à Luxembourg, a entamé ses travaux fin septembre.
Les députés ont donné leur feu vert à ce parquet à l’issue de débats houleux : alors que LFI comme RN réclamaient sa suppression au nom d’une atteinte à la souveraineté, le ministre Eric Dupond-Moretti a pointé l' »union sacrée » des extrêmes, s’attirant en retour les foudres de l’insoumis Ugo Bernalicis. « On ne veut pas la même chose qu’eux » à l’extrême droite, a lancé ce dernier, accusant au passage le gouvernement d’appliquer lui « des pans entiers » du programme du Rassemblement National. Les élus Les Républicains ont également voté majoritairement contre ce parquet européen.
Le projet de loi à l’étude comprend un autre volet destiné à améliorer les dispositions actuelles de la justice pénale spécialisée, en particulier contre la délinquance environnementale. Ainsi il sera créé dans chacune des 36 cours d’appel une juridiction spécialisée avec des magistrats dédiés pour s’occuper des « atteintes graves » à l’environnement. Ces juridictions auront vocation à traiter, par exemple, les pollutions des eaux ou des sols par des activités industrielles, les infractions au régime des installations classées qui dégradent l’environnement, les atteintes aux espèces ou espaces protégés, les infractions à la réglementation sur les déchets industriels… Pour les accidents industriels majeurs, de type Lubrizol, les pôles inter-régionaux basés à Paris et à Marseille, resteront compétents.
À destination des entreprises, le texte institue en outre la possibilité de « conventions judiciaires d’intérêt public » (CJIP) en matière environnementale, c’est-à-dire un mécanisme transactionnel s’inspirant de celui existant depuis 2017 pour les atteintes à la probité et la fraude fiscale. Cette justice négociée est critiquée à gauche et par les associations environnementales, qui jugent les amendes encourues non dissuasives. Celles-ci peuvent aller jusqu’à 30% du chiffre d’affaires moyen annuel. La convention pourra également prévoir la réparation du préjudice écologique. La CJIP « a fait ses preuves » : « c’est une procédure rapide, efficace, qui permet des amendes lourdes« , a fait valoir le ministre de la Justice. « Je préfère un bon accord à un mauvais et long procès », a renchéri la rapporteure Naïma Moutchou (LREM).
Plus globalement, « il nous faut progresser substantiellement » alors que le contentieux environnemental représente seulement 1% des condamnations pénales et 0,5% des condamnations civiles, selon Eric Dupond-Moretti. « Si le texte améliore de manière indispensable le cadre procédural, il sera complété par des dispositions » dans le cadre du futur projet de loi issu des travaux de la Convention citoyenne sur le climat, a-t-il rappelé. Un « délit d’écocide » doit alors être créé. Les députés LFI ont déploré que leurs amendements visant à relever les sanctions ou à inscrire dès à présent un « crime d’écocide » aient été jugés irrecevables. Les débats se poursuivront mercredi après-midi sur ce projet de loi, avec encore une soixantaine d’amendements au menu.