Après l’annonce du nouveau dispositif encadrant l’épandage de pesticides à proximité des habitations, les associations font la moue : la zone non traitable incompressible de 20 mètres ne concernerait que peu de produits. Une expertise du CNDP fustige par ailleurs le processus de consultation publique du gouvernement, dont l' »arrêté pesticides » a fait les frais.
Le nouveau dispositif encadrant l’épandage de pesticides à proximité des habitations, qui fixe les distances de sécurité à respecter autour des lieux d’habitation par les agriculteurs lors du traitement des cultures, est paru au Journal officiel du 29 décembre 2019. Il instaure notamment une distance minimale de 20 mètres non réductibles « pour les substances les plus préoccupantes« , dont l’autorisation de mise sur le marché comporte des mentions de danger. Cette distance de sécurité descend à 10 mètres pour les cultures hautes, telles que les vignes ou l’arboriculture, et à 5 mètres pour celles dites basses, telle que céréales. Un régime de « chartes locales » est également créé, permettant après concertation préfectorale d’aménager ces distances. Ces dernières sont un peu plus élevées que celles qui avaient été mises en consultation sur la base des études de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). Les associations ont, pour la majeure partie, reçu défavorablement la nouvelle. [ihc-hide-content ihc_mb_type= »show » ihc_mb_who= »1,2,3,4,5″ ihc_mb_template= »1″ ]
L’ONG Générations futures craint par exemple que ce dispositif ne change rien, la zone non traitable de 20 mètres « ne concernant qu’un nombre très faible de produits« . Mais ce qui est le plus pointé du doigt, ce sont les défaillances du processus de consultation du public lui-même. Suite à la participation massive de celle d’octobre 2019 sur la question de la protection des riverains face aux pesticides, les ONG telle que France Nature environnement avaient demandé au gouvernement la publication des résultats de cette consultation, dont la synthèse était prête depuis plusieurs semaines.
Dans une nouvelle expertise du Commission nationale du débat public (CNDP), remise par sa Présidente Chantal Jouanno à Allain Bougrain Dubourg, Président de la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO), les Consultations publiques du Ministère de l’Ecologie sont justement mises en cause. Suspectant une absence de prise en compte des contributions en ligne, la LPO avait saisi la CNDP fin 2018 afin que soient étudiées les conditions de déroulement des consultations publiques. »La CNDP a observé pendant un an un panel de consultations publiques nationales et locales, explique l’ONG. La LPO retient de son rapport la subjectivité des textes de présentation, l’absence de références techniques et scientifiques, les dysfonctionnements durant la consultation, l’absence de prise en compte du résultat des consultations, etc. » Sur certaines des consultations étudiées dans l’expertise, comme les quotas de destruction des loups ou les chasses traditionnelles, jusqu’à 95 % d’avis défavorables ont été reçus, sans que les arrêtés contestés n’aient été modifiés en conséquence.
La LPO résume les insuffisances et complications posées par le processus de consultation publique, d’abord durant la phase d’information: « l’accès aux consultations est compliqué et les dénominations peu explicites » ; « très peu de consultations présentent les enjeux, aucune étude n’est référencée, les avis des commissions spécialisées sont au mieux non accessibles, au pire passés sous silence » ; « les critères de modération sont absents. On apprend grâce au travail de la CNPN que, au-dessus de 10.000 contributions, un principe d’échantillonnage est appliqué (30% des messages par tranche de 1000, les autres n’étant pas lus« . Concernant la phase d’analyse des contributions, la CNDP révèle le même manque de transparence : « les questions cynégétiques sont analysées par le bureau de la chasse, ce qui constitue une entorse majeure à l’une des règles de base de la concertation pour garantir la neutralité et l’impartialité »; « plus les commentaires sont longs, plus ils ont de chances d’être classés ‘hors sujet’ » ; « l’avis des instances consultatives sert parfois à justifier la non prise en compte des avis« .
La CNDP formule ainsi une série de recommandations au regard de chacune de ces insuffisances. L’une des plus éloquentes: « l‘une des exigences premières est la distinction entre l’auteur du bilan de la consultation et le décideur ». Or, la synthèse de la consultation en ligne sur les pesticides et la protection des riverains est signée du ministère de la Transition écologique, dont la cheffe, Élisabeth Borne, sera cosignataire du décret et de l’arrêté. A bon entendeur…
[/ihc-hide-content]