Le Tribunal administratif de Cergy a annulé le PLU de Gonesse, usant de termes particulièrement sévères à l’égard du projet Europacity pour justifier sa décision.
« A refaire » : c’est le sens du message adressé par le tribunal à la commune de Gonesse, au sujet de la délibération du 25 septembre 2017 par laquelle le conseil municipal a modifié son plan local d’urbanisme (PLU) pour rendre urbanisables les 248 ha de terres agricoles destinés à accueillir le projet Eutopacity. Conduit par des investisseurs chinois et par le groupe Auchan, ce projet viserait à créer une immense zone commerciale et de loisirs au nord de Paris. Le tribunal a annulé purement et simplement cette délibération, ce qui compromet dans l’immédiat la poursuite du projet. La Ville de Gonesse a immédiatement annoncé son intention de faire appel de cette décision, mais en droit administratif l’appel n’a pas d’effet suspensif : en attendant la décision de la cour d’appel, le PLU est bel et bien annulé, et le projet est stoppé.
Au-delà de l’annulation, ce qui frappe à la lecture du jugement est l’extrême sévérité des termes par lesquels les juges justifient leur décision. « Aucune solution de substitution raisonnable à l’urbanisation de la moitié du sud du triangle de Gonesse n’a été envisagée par la commune dans le cadre de l’évaluation environnementale comme dans le rapport de présentation, écrivent-ils. Ce projet, qui se traduit par l’artificialisation de 248 hectares de terres agricoles, présente cependant un impact écologique très important, ainsi d’ailleurs que le soulignent l’autorité environnementale dans son avis du 26 avril 2017, le commissaire-enquêteur dans son rapport du 30 juillet 2017, la chambre interdépartementale d’agriculture d’Ile-de-France dans son avis du 4 mai 2017 et la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers dans son avis du 4 avril 2017. En conséquence, l’évaluation environnementale, qui devait être proportionnée à cet impact, ne pouvait se borner à n’envisager qu’une seule option.(…) Si la commune a présenté deux projets alternatifs, ceux-ci ont été écartés en raison de leur incompatibilité avec le schéma directeur de la région Ile de France et non en raison de leur impact environnemental, la circonstance que ces deux projets aient été envisagés avant la révision du schéma directeur de la région Ile de France le 27 décembre 2013 ne dispensant nullement la commune de rechercher d’autres alternatives ».
Tout aussi sévèrement, les juges mettent en doute la réalité des bénéfices économiques annoncés par les porteurs du projet et invoqués par la commune dans sa délibération : « Si la commune met en avant les bénéfices économiques qu’elle escompte d’une telle évolution, les prévisions qu’elle invoque à ce titre, notamment en termes de création d’emplois, sont remises en cause par l’analyse du commissaire enquêteur, qui souligne l’absence de prise en compte des équipements existants en matière de centres commerciaux, de centres de loisirs et de centres d’affaires. Il ressort également des pièces du dossier et notamment des avis précités de l’autorité environnementale et de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers que la révision litigieuse affecte la protection des milieux naturels et des paysages, la préservation de la qualité de l’air, des ressources naturelles, de la biodiversité et des écosystèmes et est de nature à accroître les émissions de gaz à effet de serre. Il suit de là qu’en classant en zone à urbaniser 248 hectares de terres anciennement classées en zone agricole, le conseil municipal de Gonesse a commis une erreur manifeste d’appréciation ».
Accessoirement, les juges relèvent que la création de 500 logements dans la zone d’exposition au bruit des aéroports de Roissy et du Bourget n’est sans doute pas une excellente idée…