Perturbateurs endocriniens : recherche et surveillance insuffisantes

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La France n’a pas mis en œuvre les moyens suffisants pour surveiller et étudier les perturbateurs endocriniens malgré les craintes d’effets nocifs sur la santé et l’environnement, estime un rapport publié le 2 février.

Une étude franco-allemande vient d’identifier un nouveau perturbateur endocrinien : la coumarine 47, courante dans les produits d’hygiène neutralisants d’odeurs. Cette découverte ainsi qu’un récent rapport relancent le débat sur les perturbateurs endocriniens. Présents dans de nombreux produits de consommation courante, ce sont des substances qui peuvent interférer avec le système hormonal, sont encore mal connues. Mais la liste des maux dont elles sont soupçonnées est longue, alimentant une « préoccupation croissante » de la population : « baisse de la qualité du sperme, augmentation de la fréquence d’anomalies du développement des organes ou de la fonction de reproduction, abaissement de l’âge de la puberté », relève le rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), du Conseil général de l’environnement et du développement durable, et du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux. Ils sont également suspectés « dans la survenue de certains cancers hormono-dépendants, ainsi que des cas de diabète de type 2, d’obésité ou d’autisme », ajoute-t-il, insistant sur la vulnérabilité particulière lors de certaines périodes de la vie (développement du fœtus, petite enfance et puberté). La Stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens adoptée en 2014 est « pertinente » mais « les moyens ne sont pas à la hauteur des enjeux et des coûts pour la santé », souligne le rapport, qui constate une « forte baisse des soutiens financiers » à la recherche scientifique depuis 2014. La recherche est d’autant plus importante que le lien de cause à effet « reste souvent difficile à établir » et que le comportement des perturbateurs endocriniens rend inopérante une analyse toxicologique classique liée aux seuils de nocivité. « L’effet peut être plus fort à faible dose qu’à forte dose », relève ainsi le rapport réalisé à la demande des ministères de la Santé, de la Transition écologique et de l’Agriculture.

Le texte décrit d’autre part des lacunes dans la surveillance sanitaire et environnementale, « bien organisée » pour les milieux aquatiques et « engagée » pour l’air intérieur, mais « ponctuelle sur l’air extérieur et inexistante pour ce qui concerne les sols ». Ces substances qui peuvent être présentes dans les cosmétiques, les produits alimentaires, les plastiques, les peintures, les jouets, les vêtements, mais aussi les produits de traitement des cultures et les médicaments, peuvent se retrouver également dans l’air, l’eau, le sol ou les poussières, ce qui multiplie les modes d’exposition (orale, cutané, respiratoire). Les experts notent d’ailleurs que les autorités se sont concentrées sur la santé humaine, et pas assez sur celle des écosystèmes également touchés. Ils listent ainsi certains effets sur la faune (féminisation de populations de poissons, atteintes osseuses chez les phoques…). Ce sujet « scientifiquement complexe » a pris de l’ampleur récemment dans le débat public, émergeant notamment lors de la dernière campagne présidentielle. Mais si le nombre d’articles de presse a explosé (3.200 en 2016 contre 58 dix ans plus tôt), la population est insuffisamment informée, selon le rapport qui note des articles parfois contradictoires et « inutilement anxiogènes ». Les experts préconisent ainsi une meilleure information des consommateurs. Dans ce cadre, ils mettent en avant l’expérience du label « ticket sans BPA » mis en place par l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris) pour les tickets de caisse sans bisphénol A, substance interdite depuis 2015 dans tous les contenants alimentaires. Malgré toutes ses limites, la Stratégie française est « originale » en Europe, estime le rapport, qui regrette les « carences de l’échelon européen » en la matière. Après trois ans de tergiversations, l’UE a adopté en décembre un texte établissant les critères de définition des perturbateurs endocriniens, qui ne satisfait pas pleinement les ONG.