L’initiative citoyenne européenne contre l’herbicide de Monsanto a dépassé le million de signatures. L’indépendance des agences d’évaluation européennes est mise en doute. Les députés européens s’émeuvent. Mais la Commission veut renouveler l’autorisation pour 10 ans.
Après la révélation par plusieurs organes de presse des manœuvres d’intimidation conduites par la firme Monsanto à l’égard des institutions scientifiques qui évoquent les risques de cancers liés à l’utilisation du glyphosate (les « Monsanto papers »), le bras de fer se poursuit autour du probable renouvellement de l’autorisation de la molécule en Europe pour 10 ans.
A l’initiative de plusieurs ONG, une initiative citoyenne européenne (ICE) a réuni plus d’un million de signatures dans les 27 Etats de l’Union. « Nous demandons à la Commission européenne de proposer aux États membres une interdiction du glyphosate, de réformer la procédure d’approbation des pesticides et de fixer à l’échelle de l’UE des objectifs obligatoires de réduction de l’utilisation des pesticides, écrivent les signataires de la pétition. Interdire les herbicides à base de glyphosate, dès lors que des liens ont été établis entre une exposition à ceux-ci et l’apparition de cancers chez l’homme et que l’utilisation de ces produits a provoqué des dégradations des écosystèmes, faire en sorte que l’évaluation scientifique des pesticides aux fins d’une approbation par les autorités de régulation de l’UE s’appuie uniquement sur des études ayant été commandées et publiées par les autorités publiques compétentes et non par l’industrie des pesticides, et fixer à l’échelle de l’UE des objectifs obligatoires de réduction de l’utilisation des pesticides en vue de parvenir à un avenir exempt de pesticides ».
En cause : l’indépendance des deux agences scientifiques européennes, l’Agence de sécurité alimentaire (EFSA) et l’Agence d’évaluation chimique (ECHA), qui ont toutes les deux conclu à l’innocuité de la molécule, contrairement au Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une agence de l’Organisation mondiale de la santé, qui a estimé le risque cancérogène du glyphosate comme « probable ». A la différence du CIRC, les deux agences européennes basent exclusivement leurs rapports sur des études non publiées, fournies par… l’industrie chimique, dont Monsanto. Devant les vives critiques suscitées par cette méthodologie, l’EFSA vient de lancer une consultation publique en vue de recueillir l’assentiment des citoyens européens sur ses méthodes de travail.
Il est toutefois très peu probable que la Commission européenne entende l’opinion des signataires de la pétition, ni celle des députés européens qui ont exprimé leurs inquiétudes à l’occasion de la session plénière du Parlement le 13 juin : « Les agences de l’UE ont estimé que les allégations qui découlent des “Monsanto papers”, si elles étaient vraies, n’auraient pas d’impact sur les conclusions de leurs évaluations », a déclaré le commissaire à la Santé et aux consommateurs Vytenis Andriukaitis devant les députés. La Commission européenne défend la procédure d’évaluation, elle propose de ré-autoriser la substance pour dix ans. Certains députés appellent à un moratoire et une évaluation indépendante. Certains députés ont déclaré que la procédure doit être basée sur une évaluation scientifique et non sur des émotions. D’autres ont appelé à une évaluation indépendante du glyphosate. De nombreux orateurs ont souligné que le recours aux alternatives à faible risque devrait être encouragé.
Le débat s’est déroulé alors que les députés estiment que la correspondance émanant de la compagnie, qui a récemment été publiée, met en doute la crédibilité d’un certain nombre d’études ayant servi de référence à l’Autorité européenne de sécurité alimentaire et à l’agence européenne des produits chimiques pour évaluer la sécurité du glyphosate.
Le lendemain de ce débat, les députés européens ont rejeté une motion visant à autoriser l’usage des pesticides sur les surfaces agricoles affectées à la biodiversité dans le cadre du verdissement de la Politique agricole commune (PAC)