Nicolas Hulot, un ministre à part

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Hydrocarbures, nucléaire, glyphosate, bientôt Notre-Dame-des-Landes: sur chaque dossier, les résultats de Nicolas Hulot sont examinés à la loupe, signe de la place à part occupée dans le gouvernement par celui qui incarne l’écologie en France depuis plus de dix ans.

Nommé ministre le 17 mai, l’ancien militant associatif et figure de l’émission télévisée Ushuaïa, est « de loin le ministre le plus populaire de ce gouvernement, et pour de bonnes raisons: il incarne un engagement, des convictions, des réponses qui sont aujourd’hui fortement présentes dans l’opinion, relève l’eurodéputé écologiste Yannick Jadot. Selon lui, Emmanuel Macron ne peut pas se passer d’un Nicolas Hulot justement parce que c’est le ministre le plus populaire ». Reste que Nicolas Hulot a déjà donné, en cinq mois, plus d’une fois le sentiment d’avoir du mal à faire prévaloir ses choix et été accusé de « renoncements » par les défenseurs de l’environnement. Plus d’un Français sur deux (55%) estime d’ailleurs qu’il ne pèse pas « fortement » dans les décisions du gouvernement concernant l’environnement, selon un sondage Odoxa-Dentsu pour Le Figaro et Franceinfo publié vendredi.

« Les compromis, les arbitrages posés sur les perturbateurs endocriniens, le glyphosate, le Ceta (traité de libre-échange entre la France et le Canada) sont assez loin des convictions, en tout cas de ce qu’on peut attendre d’un gouvernement qui a réussi à obtenir Nicolas Hulot comme numéro trois, liste Yannick Jadot, qui redoute que Nicolas Hulot ne soit finalement qu’une carte magique permettant au chef de l’État de compenser le fossé entre le discours et les actes posés ».

« Ne rien céder aux lobbies, oui, je m’y efforce mais on peut faire des compromis, rétorquait récemment le ministre à ses détracteurs, assurant travailler 18 heures par jour » pour faire avancer ses dossiers. A ceux qui s’interrogent sur son réel poids politique, notamment vis-à-vis de son homologue de l’Agriculture Stéphane Travert, et sur son utilité au gouvernement, Nicolas Hulot, régulièrement soupçonné de penser à la démission, répond que « depuis cinq mois, rien ne (le) rend inquiet et qu’il n’a aucun doute sur la volonté d’Emmanuel Macron de (lui) donner les moyens d’agir ».Il a été reçu à dîner le 11 octobre par le chef de l’État à l’Élysée, ce qui est plutôt rare pour un ministre. « Cela a permis de discuter des dossiers et visiblement il a été rassuré » d’être écouté, indique-t-on dans l’entourage du président.

Quant à sa relation avec le Premier ministre Édouard Philippe, qu’il ne connaissait pas avant d’entrer au gouvernement, elle est « très bonne », assure-t-on à Matignon. « Hulot est quelqu’un de très franc, très cash, il affirme ses convictions. Édouard Philippe n’a, lui, jamais caché qu’il lui avait fallu cheminer sur les questions environnementales. Mais il y a une bonne entente et un alignement des intérêts sur ces questions ».

Malgré quelques piques de temps en temps, le ministre peut en tout cas compter sur un soutien de ses anciens camarades associatifs qu’il revoit toujours avec plaisir comme mercredi dernier dans un hôtel parisien pour marquer le dixième anniversaire du Grenelle de l’environnement. « Nous n’aurons jamais de meilleur ministre de l’Écologie!, s’enthousiasme Sandrine Bélier, l’ex-eurodéputée écologiste désormais directrice de l’ONG Humanité & Biodiversité. Il connaît mieux que personne les enjeux, on n’a pas besoin de le convaincre. Même si évidemment on va continuer à être exigeants ». « Tiens-bon, oui, bagarre-toi, lui a lancé pour sa part Delphine Batho, ex-ministre PS de l’Écologie, jeudi sur France Inter. Il n’y arrivera pas tout seul, ça c’est très clair, c’est pas superman », a-t-elle ajouté, en appelant de ses voeux une mobilisation de l’opinion.

Selon une source gouvernementale, le problème pour Nicolas Hulot est moins les arbitrages que « la vie de ministre, le rythme, les pressions diverses, les reproches ». Le ministre a indiqué qu’il évaluerait « le moment venu » son « utilité » au gouvernement. Ce moment interviendra peut-être en décembre, quand le gouvernement sera amené à trancher sur le projet sensible d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, auquel il a toujours été hostile.