Des représentants des gouvernements européens, du Parlement européen et de la Commission européenne ont trouvé un accord sur la politique agricole commune (PAC) ; Entre 2021 et 2027, environ 54 milliards d’euros de l’argent des contribuables européens seront dépensés chaque année en subventions pour financer « principalement l’agriculture intensive et industrielle », selon les ONG de défense de l’environnement.
Eurodéputés et États membres de l’UE ont trouvé dans la nuit du 27 au 28 juin 2021 un accord sur les versements destinés à « verdir » l’agriculture européenne, et devaient reprendre vendredi leurs âpres pourparlers sur les autres dossiers de la PAC, notamment l’organisation des marchés agricoles. « Nous sommes très proches d’un excellent compromis, après avoir fait cette nuit d’énormes progrès sur les problèmes les plus épineux », a tweeté le commissaire européen à l’Agriculture Janusz Wojciechowski.
Après l’échec en mai de trois jours d’intenses discussions ayant tourné au dialogue de sourds, les négociateurs du Parlement européen et des États ont repris leurs pourparlers jeudi pour trouver un compromis global avant uneréunion lundi des ministres européens de l’Agriculture. Les Vingt-Sept avaient approuvé en octobre la réforme de la Politique agricole commune (PAC), avec un budget de 387 milliards d’euros pour sept ans, dont 270 milliards d’aides directes aux agriculteurs, mais ils doivent s’entendre avec les eurodéputés sur ses modalités. « Une étape a été franchie sur les plans stratégiques » (politiques agricoles nationales), s’est félicitée l’eurodéputée Anne Sander (PPE, droite) vers 2 heures du matin, se disant « confiante qu’un accord global est à portée de main ».
L’accord trouvé concerne notamment les « écorégimes », primes accordées aux agriculteurs adoptant des programmes environnementaux exigeants, censés être mis en œuvre début 2023 et dont le contenu est défini par les États. Les eurodéputés réclamaient initialement qu’ils représentent au moins 30% des paiements directs aux agriculteurs, les États plaidaient pour un seuil de 20%. Finalement, l’accord prévoit de consacrer en moyenne 25% par an des paiements directs aux écorégimes sur l’ensemble de la période de la PAC (jusqu’en 2027), avec la possibilité de n’y consacrer que 20% en 2023 et 2024, selon une synthèse consultée par l’AFP. Pendant cette transition, les États seront libres de réallouer à leur guise les fonds non utilisés au-delà de 20%, mais ces derniers « devront être compensés d’ici la fin de la période » par un renforcement ultérieur des écorégimes ou des investissements sur d’autres mesures environnementales.
Alors que les eurodéputés voulaient exiger des agriculteurs une rotation annuelle « classique » des cultures pour préserver la biodiversité, les États pourront finalement autoriser « d’autres pratiques » comme la simple diversification des cultures et l’introduction de légumineuses. Entre 4% et 7% des terres arables, selon les exploitations, devront parailleurs rester non cultivées et rendues à la nature. Sur ces points, des exemptions existent, pour les exploitations de moins de 10 hectares et quelques cas particuliers. Enfin, selon un « considérant » ajouté en cours de nuit, Bruxelles sera tenu d’ « examiner » la conformité des politiques nationales aux objectifs climatiques (Pacte vert) et environnementaux de l’UE: réduction de 50% des pesticides d’ici 2030 avec un quart des terres réservées au bio…
Un « alignement » salué par Pascal Canfin, président de la commission Environnement au Parlement : « les écorégimes seront robustes, les plans nationaux devront être obligatoirement cohérents avec les lois environnement et climat » européennes, a-t-il souligné. A l’inverse, l’eurodéputé allemand Martin Häusling (Verts) a déploré « un mauvais accord », jugeant trop bas le niveau d’écorégimes et fustigeant des « dérogations de plus en plus nombreuses ». Son collègue français Benoît Biteau dénonce « une réforme inique, climatiquement nuisible et dangereuse pour la biodiversité », appelant le Parlement à voter contre elle à l’automne. « Cet accord perpétue le statu-quo, poursuivant l’appui désastreux aux élevages industriels qui dévastent l’environnement (…) Nous ne sommes pas dupes de ce « greenwashing » », abonde Marco Contiero, de l’ONG Greenpeace.
La Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) dénonce elle aussi le maintien du statu quo. Selon l’ONG, la nouvelle PAC « perpetue le financement massif du modèle d’agriculture intensive qui conduit directement à la perte de la biodiversité, à la pollution de l’eau et de l’air, à la surexploitation de l’eau et alimente la crise climatique ». La LPO ajoute que cette politique va permettre de continuer à allouer la majeure partie du budget à des pratiques destructives si les pays de l’Union Europe le décide notamment avec une fausse comptabilité climatique avec des subventions néfastes à comptabiliser comme action climatique, aucune exigence d’alignement de la PAC sur le Green Deal de l’UE ou encore aucun mécanisme pour tenir les États membres responsables d’une nouvelle détérioration de l’environnement.
Eurodéputés et négociateurs des États se sont aussi accordés pour sanctionner les agriculteurs ne respectant pas les droits des travailleurs. Les autorités nationales effectueront les contrôles, avec le risque d’une baisse des versements en cas d’infraction. Cette « dimension sociale » sera volontaire à partir de 2023 et obligatoire à partir de 2025. Un mécanisme de redistribution au profit des petites exploitations a été également validé. Après cet accord au forceps sur le « texte le plus compliqué » selon plusieurs négociateurs, les pourparlers attaquaient vendredi matin deux autresdossiers, dont les marchés agricoles. Les parlementaires veulent durcir les contrôles sur l’importation de produits agricoles, notamment pour bannir les produits présentant des traces de pesticides interdits dans l’UE pour raisons environnementale. Les États s’inquiètent, eux, de contrevenir aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC): « un point très délicat », miné par les « lignes rouges » des Vingt-Sept, prévient une source diplomatique.