Un article publié par le média The Conversation questionne l’intérêt des aires protégées. À travers leur analyse d’un cas d’étude au Brésil, les deux auteurs – chercheurs à l’INRAe – montrent que la suppression d’une aire n’induit pas forcément des conséquences négatives pour la biodiversité.
Selon l’Union Internationale pour la conservation de la nature (UICN), une aire protégée est un espace géographique clairement défini, reconnu, consacré et géré, par tout moyen efficace, juridique ou autre, afin d’assurer à long terme la conservation de la nature ainsi que les services écosystémiques et les valeurs culturelles qui lui sont associés. Dans un article publié par le média The Conversation, Philippe Delacote, directeur de recherche en économie à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAe) et Derya Keles, docteur en économie de l’environnement également à l’INRAe, décryptent pourquoi certaines aires protégées sont parfois supprimées ou déclassées et quelles en sont les conséquences.
Les auteurs indiquent que la pertinence des aires protégées est souvent questionnée, car elles sont la plupart du temps situées là où les écosystèmes sont relativement peu menacés. Ils soutiennent par ailleurs qu’un « un certain nombre de travaux scientifiques ont démontré qu’elles sont peu efficaces, puisqu’elles protègent des écosystèmes que la géographie protège (pour l’instant) déjà naturellement ». Ils ont étudié le cas de l’Amazonie Brésilienne qui concentre une ressource forestière abondante et une biodiversité riche, mais qui parallèlement constitue un lieu d’intense développement agricole. Cette forêt gigantesque possède d’ailleurs plus de ¾ des aires protégées du pays. Ils notent cependant qu’il arrive que le gouvernement fédéral et les États soient conduits à supprimer, réduire ou déclassifier un certain nombre d’aires protégées, et ce, pour diverses raisons. Cela peut être le cas si l’aire en question est située dans une zone de forêts peu menacées où la déforestation est faible. « On s’attend donc à ce que celle-ci n’augmente que peu, sinon pas, après la suppression », explique les deux chercheurs ajoutant que « Cela peut aussi survenir si elle est localisée sur une zone de forte pression économique et que la déforestation dans la région reste élevée. Des aires protégées peuvent également être supprimées s’il est jugé qu’elles portent entraves au potentiel de développement économique de la région considérée ».
D’après les deux auteurs de l’article, lorsque les pressions économiques sont faibles – dans les États isolés de l’Amazonie et du Roraima par exemple –, cela n’a pas d’influence sur la déforestation. Dans ces aires protégées, la déforestation reste faible, car les terres concernées ne sont pas profitables. Lorsque les pressions économiques sont plus fortes, près des routes dans l’État du Pará, les réductions d’aires protégées n’ont pas non plus influencé la déforestation notamment parce qu’elle était déjà élevée dans l’ensemble de ces zones. Ce n’est cependant pas le cas partout puisqu’ils ont remarqué que dans l’État du Rondônia, les aires protégées réduites ont été défrichées et la déforestation semble s’être accélérée. Il a été relevé que de manière générale les suppressions peuvent accélérer la déforestation, mais elles peuvent offrir des opportunités de développement aux populations locales notamment grâce à la construction de route ou d’infrastructures qui apportent aux communautés certains avantages économiques. Or, lorsque la suppression d’une aire n’accélère pas la déforestation, cela n’apporte que peu d’impact en matière de développement.