🔻 PAC: vive opposition entre le ministre et des ONG sur la répartition des aides

Photo d'illustration ©-Alain-Jocard-AFP

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French Junior Minister for Cities and Housing Julien Denormandie leaves the Elysee Presidential Palace in Paris, after attending a weekly cabinet meeting, on February 12, 2020. (Photo by Alain JOCARD / AFP)
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Le ministre de l’Agriculture Julien Denormandie s’est défendu de tout « immobilisme » en présentant vendredi 21 mai ses arbitrages sur la prochaine Politique agricole commune (PAC) européenne, sans convaincre plusieurs organisations paysannes ou de défense de l’environnement qui lui ont demandé vertement de revoir sa copie.

Julien Denormandie assure porter une « vision » ambitieuse de la PAC qui s’appliquera de 2023 à 2027, tout en revendiquant une certaine « stabilité » dans la répartition des aides pour ne pas déstabiliser les revenus des agriculteurs. Investir dans la transition agroécologique et l’agriculture de demain « n’est possible que si vos revenus le permettent« , a insisté le ministre devant la presse, à l’issue d’une longue réunion en visioconférence avec le monde agricole et des ONG dans un climat tendu. En guise de protestation, des organisations, réunies dans le collectif Pour une autre PAC (Fédération nationale d’agriculture biologique, Confédération paysanne, WWF France, Greenpeace…), ont « claqué la porte » de cette réunion. Pour le WWF, le gouvernement a décidé « de maintenir un statu quo et donc une PAC qui soutient un modèle agricole à bout de souffle et contribue ainsi à l’effondrement de la biodiversité, la disparition de milliers d’emplois dans nos campagnes tout en entérinant l’impréparation du secteur agricole face aux chocs climatiques« . Une réaction « déplorée » par le ministre devant la presse. « Manifestement c’était une décision organisée entre eux avant même d’avoir connaissance de mes arbitrages« , a-t-il dit, évoquant une « organisation théâtrale pré-programmée« . « Le débat politique meurt du simplisme« , a-t-il estimé.

Sa présentation était très attendue. De ce sujet très technique dépend une bonne partie du revenu des 450.000 exploitants agricoles français qui peinent souvent à obtenir des prix rémunérateurs. Une concertation avait été lancée en vue d’élaborer le plan stratégique national (PSN) de la France, déclinaison de la politique agricole européenne dont les grandes lignes sont définies à Bruxelles. La France est le premier bénéficiaire de la PAC avec autour de neuf milliards d’euros de subventions par an. Une « enveloppe fermée« , a rappelé le ministre. C’est-à-dire qu’augmenter les fonds prévus pour soutenir telle ou telle agriculture revient à diminuer les subventions d’un autre côté. Au programme, pas de grand bouleversement. Aucun transfert n’est prévu du « premier pilier » – la majorité de la PAC, qui comprend les aides à l’hectare – au deuxième, censé accompagner la modernisation des exploitations et des pratiques agricoles. « Consolider les revenus des agriculteurs (…) n’est en aucun cas de l’immobilisme« , s’est défendu le ministre. Il a par ailleurs décidé de maintenir au niveau actuel l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) qui bénéficie en particulier aux éleveurs de montagne, au prix d’un effort sur le budget national. Ou encore de renforcer les aides destinées aux jeunes agriculteurs (+67 millions d’euros par an, selon les chiffres communiqués par le cabinet du ministre). « Jamais une PAC n’aide autant l’installation » des jeunes, a affirmé Julien Denormandie.

Point de crispation important: les subventions à l’agriculture biologique. Dans la future PAC, les agriculteurs déjà convertis ne bénéficieront plus d’aides spécifiques, le ministère jugeant que le marché est déjà suffisamment rémunérateur. Seules les conversions vers ce mode de production seront subventionnées, pour 340 millions d’euros par an. Le ministre, qui estime que 12 à 13% de la surface agricole utile française sera cultivée en bio à la fin du quinquennat (sur un objectif de 15% fixé par Emmanuel Macron) veut désormais atteindre 18% en 2027. Des agriculteurs, en particulier des céréaliers affiliés au syndicat majoritaire FNSEA, redoutaient qu’un trop grand nombre d’entre eux ne puissent toucher une partie des aides directes, désormais conditionnées à des pratiques plus exigeantes en faveur de l’environnement (le fameux éco-régime). Dans le schéma prévu par le ministre, 79% des grandes cultures sont déjà éligibles à cet écorégime, et 13% pourront le devenir en modifiant une petite partie de leur choix de cultures. Le syndicat agricole majoritaire FNSEA a salué « des orientations pertinentes » et des « avancées« , tout en soulignant que de « nombreuses questions restaient en suspens« . En fonction de l’issue des négociations qui ont lieu parallèlement au niveau européen, de 20 à 30% des paiement directs seront soumis à l’écorégime. La Coordination rurale, deuxième syndicat de la profession, se dit « soulagée« , évoquant des choix « satisfaisants » du ministre « visant à ne pas bouleverser les bases du revenu des agriculteurs, comme à chaque réforme, tout en assurant la transition écologique« .