🔻 Algues vertes : la Cour des comptes tacle les politiques publiques

Photo d'illustration © OranFire Blade de Pixabay

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Dans un rapport publié le 3 juillet, la Cour des comptes porte un jugement sur la politique publique mise en œuvre pour lutter contre la prolifération des algues vertes en Bretagne.

Le 2 juillet, la Cour des comptes publiait son rapport de près de 300 pages dressant un état des lieux assez sévère des deux plans de lutte contre les algues vertes (2010-2015 et 2017-2021) mis en œuvre par les acteurs publics (États, collectivités territoriales, agence de l’eau). Pour elle, les politiques publiques mise en œuvre pour lutter contre la prolifération des algues vertes en Bretagne avaient des d’objectifs « mal définis » qui n’ont eu qu’un « impact limité » sur le niveau des échouages.

En Bretagne, le phénomène des algues vertes affecte le littoral depuis plus de 50 ans. Les deux baies de Saint-Brieuc et la Lieue de Grève concentrent près des trois-quarts des échouages. Les algues prolifèrent notamment en raison d’apports excessifs de nutriments – azote (à plus de 90% d’origine agricole) et phosphore – venant des fleuves côtiers, cela mêlé à une morphologie spécifique des baies concernées. Lorsqu’elles entrent en phase de décomposition, ces algues libèrent un gaz toxique (hydrogène sulfuré), ce qui a causé la mort de plusieurs personnes depuis 1989. Le rapport de la Cour des comptes partage des données de 2007 à 2020, indiquant une « légère tendance à la baisse des échouages d’algues vertes sur les sites sableux ». En revanche, ce n’est pas le cas dans les vasières où la tendance est en hausse comme c’est le cas dans le Golfe du Morbihan.

La Cour des comptes explique que les deux plans de lutte contre les algues vertes (Plav) ont souffert « d’objectifs mal définis et aux effets incertains sur la qualité des eaux ». La juridiction note que le premier plan (2010 – 2015) a fixé des objectifs de réduction des flux d’azote d’au moins 30 à 40 % à l’horizon 2015 dans toutes les baies. Ce qui ne paraît « pas pertinent » d’après le rapport. En effet, « fixer un tel objectif à l’horizon de deux à cinq ans n’est pas réaliste au regard du temps de réaction des bassins versants et des délais de mise en place des actions. Cela a conduit dès lors à des divergences d’appréciation entre partenaires du plan sur le lien de causalité entre les actions du plan et l’atteinte des objectifs et à une certaine démobilisation des exploitants ».

Le deuxième plan quant à lui (2017 – 2021) a fixé des objectifs différenciés pour chaque baie. « Néanmoins, ces objectifs n’ont pas fait l’objet d’un avis scientifique que suffisamment large et approfondi, ni d’une évaluation environnementale. Surtout, l’analyse des plans d’action montre que les objectifs fixés à l’horizon 2027 ne sont conformes à l’ambition initiale de réduire de moitié la biomasse algale à l’horizon 2027 que dans quatre baies (Saint Brieuc, la Lieue de Grève, Locquirec et Douarnenez). Les quatres autres baies (La Fresnaye, Horn-Guillec, Guissény, La Forêt), les objectifs, bien que validés par le comité de pilotage et donc endossés par l’État, ne sont pas conformes à cette ambition ». La Cour des comptes note également que la dynamique de mobilisation des agriculteurs s’est essoufflée dans la plupart des bassins versants notamment entre le premier et le deuxième Plav. Ainsi, « la pression d’azote épandu stagne depuis 2015 » et « les actions de diffusion des bonnes pratiques culturales et de changements de systèmes (développement des herbages ou de l’agriculture biologique) ont produit peu de résultats tangibles ».

Le document observe également que la mobilisation des territoires s’est faite sans un soutien public suffisant. La Cour préconise alors de renforcer et d’étendre l’action engagée en s’appuyant sur les contrats territoriaux pour la mise en œuvre des schémas d’aménagement et de gestion des eaux et de « redéfinir les leviers indicatifs » au changement des pratiques et systèmes agricoles. Le rapport propose cinq orientations devant être rapidement mise en œuvre pour réduire la prolifération des algues vertes en Bretagne.

Il s’agit donc d’étendre la lutte contre la prolifération des algues vertes au-delà des huit baies bretonnes concernées par les Plav en ayant recours aux outils de droit commun que sont les contrats territoriaux pour la mise en œuvre des schémas d’aménagement et de gestion des eaux (Sage). Il est recommandé de définir des objectifs évaluables et en suivre la réalisation à l’échelle des bassins versants. Ensuite, dans le cadre de la prochaine programmation de la politique agricole commune (PAC), la Cour des comptes invite à redéfinir les incitations au changement des pratiques et des systèmes agricoles. Enfin les magistrats préconisent de mobiliser les leviers du foncier agricole et des filières agroalimentaires et d’adapter et faire respecter la réglementation en renforçant les contrôles.

Consulter le rapport de la Cour des Comptes