Les politiques de l’UE n’assurent qu’une protection « superficielle » des milieux marins et n’ont pas permis de « rétablir le bon état écologique des mers » en Europe ni d’y ramener la pêche à des niveaux « durables« , la Méditerranée restant « surexploitée« , selon la Cour des comptes européenne.
« Les règles de l’UE en matière de protection des écosystèmes et habitats essentiels ne leur ont pas permis de se régénérer« , concluent les auditeurs dans un rapport d’une centaine de pages publié jeudi 26 novembre. À la suite d’objectifs adoptés par l’ONU en 2015, l’UE s’était donné pour objectif de protéger 10% de ses zones maritimes à l’horizon 2020 : la Cour note cependant l’absence d’un réseau « efficace, bien structuré et bien connecté » de « zones marines protégées » au sein des réserves Natura 2000. On en comptait plus de 3.000 fin 2019, mais elles n’ont été « qu’un faible rempart pour la biodiversité marine« , tacle le rapport, qui observe d’ailleurs que les listes d’espèces et habitats menacés ont été créées « il y a plus de 25 ans » sur la base de connaissances désormais « obsolètes« , ne protégeant pas certaines espèces.
Surtout, les efforts pour coordonner la politique de la pêche avec la politique environnementale, deux prérogatives de l’Union, « n’ont pas fonctionné comme prévu » et la surpêche reste un mal endémique. Si le rapport note « des progrès sensibles dans l’Atlantique« , où de nombreux stocks halieutiques se sont stabilisés ou renforcés, la Méditerranée demeure « largement surexploitée » avec « aucun progrès tangible« . Comme la gestion des activités de pêche en Méditerranée consiste principalement à limiter l’effort de pêche (et non les captures), les taux d’exploitation y étaient deux fois supérieurs aux niveaux durables en 2019. Or, les États ne peuvent pas limiter les activités de pêche au-delà des eaux territoriales sans engager des discussions multilatérales, ce qui « complique la protection du milieu marin« , déplore la Cour.
Exemple de la façade atlantique : la France pourrait décider de restreindre la pêche pour les navires français dans une petite zone de ses eaux, mais pour étendre les restrictions à tous les navires de l’UE, Paris devrait s’entendre sur « une recommandation commune » avec tous les 8 États membres ayant un intérêt dans la zone. Aucune date butoir n’est fixée aux États consultés pour réagir, et la France a la charge d’étayer sa proposition : « Or, il est difficile de démontrer les avantages concrets des mesures de protection. L’ensemble du processus pourrait prendre plusieurs années« . La Cour recommande donc d’inventorier d’ici 2022 les modifications réglementaires et administratives nécessaires pour mieux protéger la biodiversité marine, et de renforcer les mesures de protection en Méditerranée d’ici 2023 « au plus tard ».
Elle propose également de développer les moyens à disposition : les États étudiés n’utilisent que 6% du financement du Fonds européen pour les affaires maritimes pour soutenir des mesures directement liées à la conservation, notent les auditeurs. Pour Anna Heslop, de l’ONG environnementale ClientEarth, le rapport, qui « confirme les préoccupations sur la mise en péril de la biodiversité marine« , doit être « un rappel à l’ordre décisif pour la Commission et les États« . « Ils doivent muscler leurs efforts pour se conformer enfin aux lois européennes sur la pêche et l’environnement, que depuis leur adoption ils échouent à respecter« .