En France métropolitaine, environ 1.000 espèces différentes de mousses sont répertoriées. Leur étude est minutieuse et technique. Cependant, une chose est sûre : les mousses participent au bien-être forestier, rappelle l’Office national des forêts (ONF).
Les mousses font partie d’une grande famille de plantes : les bryophytes. Ce sont des végétaux miniatures, pour la plupart friands de fraîcheur, de l’ombre et de l’humidité des sous-bois. Apparues sur Terres il y a des centaines de millions d’années, elles représentent une des premières lignées des plantes terrestres gardant des traces de leur dépendance à l’eau pour leur fécondation. Capables de reproduction sexuée par spores et, pour certaines, de se régénérer à l’infini de manière asexuée, elles s’ancrent sur tous les supports : pierre, bois mort, troncs, humus… et tapissent les sous-bois.
Douces, légères et absorbantes, les mousses sont reviviscentes par nature.« Elles peuvent survivre à de longues périodes de sécheresse. Les cellules des mousses ont la capacité de retrouver leur activité biologique et physiologique au bout de plusieurs mois sans apport d’eau. C’est une singularité des mousses », explique Mirham Blin, chef de projet environnement et bryologue au sein du réseau habitats-flore à ONF. « Cette capacité à renaître d’une période sèche constitue un élément d’étude important dans notre contexte actuel du changement climatique », complète Serge Cadet, animateur du réseau naturaliste habitats-flore à l’ONF.
Hypersensibles aux facteurs environnementaux, les mousses, comme le lichen, sont de formidables bio-indicateurs. Grâce à elles, les spécialistes en bryologie récoltent des informations sur la pollution d’un milieu forestier, mais également de la qualité de son air et de son eau. En effet, les mousses absorbent la quasi-totalité des composants de l’air, permettant d’étudier les pollutions sur des temps longs et à de larges échelles. C’est ce qu’on appelle la bioaccumulation. Elles sont également d’excellents indicateurs de l’ancienneté et de la maturité des forêts. Autre atout non négligeable, elles sont, comme chaque organisme chlorophyllien, de véritables pièges à carbone.
Les mousses abritent des milliers d’êtres vivants minuscules et recèlent d’espèces uniques, véritable petit monde à elles seules dans la vaste forêt. Dans leur cœur se développent de petits hôtes, acteurs de la biodiversité forestière : des collemboles, de petits insectes aptères (sans ailes); des rotifères (des micro-organismes aquatiques); des nématodes (minuscules vers) ou encore des tardigrades (proches des arthropodes, acariens) …
Tous ces habitants des mousses œuvrent pour la biodiversité du sol et plus largement des forêts.En effet, ils contribuent à la dissémination, à la régulation de la microflore du sol et jouent un rôle majeur dans la circulation des nutriments (azote, phosphore, potassium, etc). Ainsi, ils assurent la disponibilité des nutriments essentiels aux végétaux.
Véritables « terreau de vie », les mousses colonisent une incroyable diversité de supports, où elles favorisent, durant et après leur vie, l’implantation des végétaux plus grands qu’elles. « Lorsqu’une espèce de mousse s’installe dans un milieu, elle-même va se retrouver en concurrence avec d’autres espèces de bryophytes plus grandes. Au moment de sa décomposition, cette première espèce va créer une matière organique qui sera mise au profit du développement d’autres plantes. Si l’on vulgarisait la chose, on pourrait appeler ça du terreau », précise Mirham Blin.
Dans les forêts gérées par l’ONF, les vieux bois, les bois morts et les arbres matures sont laissés sur place par choix. Leur présence accroît, entre autres, l’existence de mousses particulières, dont certaines sont rares, et préserve des milieux d’une richesse et d’une diversité exceptionnelle.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les mousses ne gênent pas le développement des arbres, ne pénètrent pas dans ses tissus, ni ne puisent dans sa sève. Ce sont des végétaux à préserver pour le bien des forêts. 14 espèces de mousse sont d’ailleurs aujourd’hui protégées par leur rareté. Ainsi, leurs prélèvements sont interdits et des fonds peuvent être mobilisés pour restaurer les habitats naturels où elles sont présentes.« L’ONF s’engage d’ailleurs, à travers les activités de son réseau national Habitats-Flore, dans l’amélioration des connaissances relatives à certaines de ces espèces forestières, car mieux on connait, mieux on préserve », explique Mirham Blin.