La Commission européenne a lancé le 25 juillet un premier avertissement à la France, lui demandant de mettre fin à certaines méthodes de chasse illégales contre les oiseaux. Par ailleurs, deux arrêtés sur la chasse aux oiseaux sont parus le 2 août au Journal officiel, dont l’un mécontente les défenseurs des animaux : ce texte autorise dans certaines proportions la chasse d’une espèce menacée, le courlis cendré.
L’exécutif européen a ouvert une procédure d’infraction contre la France en lui adressant une lettre de mise en demeure, première étape d’un processus qui peut aboutir in fine, en l’absence de réponse satisfaisante de l’Etat concerné, par une saisine de la Cour de justice de l’UE. Selon Bruxelles, « la France autorise des pratiques de chasse non sélectives, comme la chasse à la glu et au filet, qui ne sont pas conformes aux exigences » de la directive « Oiseaux » sur la conservation des oiseaux sauvages et de leurs habitats. « La Commission s’inquiète également de la tolérance et de l’autorisation généralisées actuelles de la chasse à l’oie cendrée après que celle-ci a commencé sa migration vers ses sites de reproduction« , pratique pourtant interdite, explique l’institution. La France a deux mois pour répondre. Sur le cas particulier de la tourterelle, la Commission somme par ailleurs la France et l’Espagne de renforcer la protection de ce volatile « autrefois très courant en milieu agricole, mais désormais menacé« . [ihc-hide-content ihc_mb_type= »show » ihc_mb_who= »1,2,3,4,5″ ihc_mb_template= »1″ ]
Cela illustre selon elle « comment la pression de l’agriculture et de la chasse contribue à une perte de biodiversité« . La Commission rappelle que l’espèce est considérée comme « vulnérable » à la fois sur la liste rouge mondiale des oiseaux et sur la liste rouge européenne des oiseaux. « L’Espagne accueille plus de la moitié de la population reproductrice dans l’UE, et la France en accueille 10%« , et donc l’action des deux pays est « capitale pour la conservation de cette espèce« , selon Bruxelles, qui précise qu’entre 1996 et 2016, la population a décliné de 40% en Espagne et de 44% en France. Ce n’est pas la première fois que la France est réprimandée en ce domaine: après avoir été renvoyée devant la justice européenne, la France s’était finalement mise en conformité en 2017 sur la chasse aux ortolans. « L’Union européenne vient utilement rappeler à la France ses devoirs et engagements« , s’est félicité Allain Bougrain Dubourg, président de la Ligue de protection des oiseaux (LPO), qui avait porté plainte contre la France, cité dans un communiqué. Le Conseil d’Etat a retoqué à 12 reprises des tentatives de l’Etat pour prolonger la chasse des oies cendrées après la date de fermeture officielle du 31 janvier.
Une semaine après l’avertissement de l’UE, la chasse au courlis cendré, un petit échassier, a par ailleurs été autorisée par le gouvernement, au grand dam des protecteurs de l’environnement. Elle est ouverte « sur le domaine public maritime des départements côtiers de la façade maritime de l’Atlantique, de la Manche et de la mer du Nord« , selon l’arrêté paru au JO. Sur le reste du territoire, le courlis cendré pourra être chassé à partir du 15 septembre. Le texte instaure une limite: au-delà de 6.000 courlis cendrés tués, cette espèce ne pourra plus être chassée pendant la saison. « C’est invraisemblable, révoltant, cet oiseau est en danger et il n’y a plus un seul pays européen qui le chasse« , a affirmé à l’AFP le directeur général de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), Yves Verilhac. Selon lui, le gouvernement a pris cette décision pour satisfaire « le lobby des chasseurs« . Un comité d’experts mis en place par le gouvernement, le Cega (Comité d’experts sur la gestion adaptative), recommandait de suspendre la chasse au courlis cendré. En France l’espèce est classée « vulnérable » pour les effectifs nicheurs et en « préoccupation mineure » pour les hivernants sur la liste rouge de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), rappelle le ministère de la Transition écologique.
A l’inverse, un deuxième arrêté prolonge la suspension de la chasse d’une autre espèce, la barge à queue noire, jusqu’au 30 juillet 2020. « Nous aurions préféré que ce moratoire soit prolongé pour 3, voire 5 ans plutôt qu’un an, mais nous ne boudons pas notre plaisir, car c’est la seule bonne nouvelle« , a commenté M. Verilhac. Un troisième arrêté est en préparation, qui concerne la tourterelle des bois, classée « vulnérable » par l’UICN. Le comité d’experts préconise de ne plus la chasser, ou au pire, de tuer 1,3% des effectifs estimés en France. Le projet d’arrêté prévoit 30.000 prélèvements pour la saison 2019-2020. Selon le ministère de la Transition écologique, cet arrêté est attendu d’ici quelques semaines. Fin juillet, après une plainte de la LPO, la Commission européenne a sommé la France et l’Espagne de renforcer la protection de la tourterelle des bois. L’an dernier, le gouvernement, accusé notamment par le ministre démissionnaire Nicolas Hulot de favoriser le lobby des chasseurs, avait présenté une réforme de la chasse divisant le prix du permis national par deux et mettant en place la « gestion adaptative« , pour remplacer la liste figée d’espèces chassables. Le courlis cendré, la barge à queue noire et la tourterelle des bois sont les trois premiers oiseaux dont le cas est examiné dans le cadre de ce dispositif.
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