⏱ Lecture 3 mn.

Trois questions à Zak Smith, avocat en charge du programme Nature du Conseil de Défense des Ressources Naturelles (NRDC) aux Etats-Unis

ANES : quels sont les grands enjeux de la 18e Conférence des Parties de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES)qui a lieu jusqu’au 25 août à Genève ?

Zak Smith : le Comité des Parties va discuter de plusieurs propositions d’inclure, déplacer ou retirer des espèces des Annexes de la CITES, avec des conséquences sur leur protection et leur commerce international. Les éléphants sont toujours un sujet tendu, avec la question du commerce de l’ivoire et la crise du braconnage que cela sous-tend. De nouvelles espèces sont sur l’agenda de la CITES, comme les girafes, que certains pays veulent voir inscrites sur l’annexe 2, afin que son commerce soit mieux contrôlé, et en prenant en compte le déclin important de leurs populations sauvages. Il y a aussi de gros enjeux sur certaines espèces de loutres, et surtout le marsouin du Pacifique (ou vaquita), une espèce qui ne compte plus que 10 individus dans les eaux du Mexique. Les ONG et certains pays demandent aux parties de mettre en place des actions fortes et concrètes pour forcer le Mexique à tenir ses engagements de protection, qui ne portent pour l’instant pas leurs fruits. Pour certaines espèces, telles que les loutres, j’ai le sentiment que le classement dans les annexes ne posera pas de problème, pour d’autres, telles que les girafes, cela pourrait être plus compliqué. Il est pour l’instant admis que le commerce des girafes n’est pas la cause principale du déclin des populations, et certains pays considèrent donc que tous les critères ne sont pas remplis pour une inclusion à l’annexe 2. Notre position est qu’une inclusion permettrait d’obtenir plus de données solides sur ledit commerce, et que nous pourrions découvrir que c’est en fait une menace importante… [ihc-hide-content ihc_mb_type= »show » ihc_mb_who= »1,2,3,4,5″ ihc_mb_template= »1″ ]

ANES : est-ce que le commerce illégal de la faune sauvage contribue grandement à l’effondrement de la biodiversité décrit par L’IPBES dans son dernier rapport ?

Zak Smith : parmi les cinq causes principales du déclin de la biodiversité telles qu’identifiées par L’IPBES figure en deuxième position l’exploitation directe des espèces, avec notamment le trafic illégal d’espèces. Ce qui me choque, c’est que je ne perçois aucun sentiment d’urgence chez les parties, dans les discussions, malgré le rapport alarmant de l’IPBES. Je crois que certains ne comprennent encore pas bien que l’effondrement de la biodiversité va avoir des conséquences directes sur nos vies. La CITES n’existe pas seulement pour protéger des espèces communément aimées comme l’ours polaires, mais pour empêcher la disparition d’animaux qui permettent la sécurité alimentaire mondiale, comme tous les insectes pollinisateurs ou les communautés des poissons. L’un des gros problèmes de la CITES est que l’inclusion d’une espèce sur les annexes ne signifie pas forcément, dans les faits, une meilleure protection. Certains pays sont très forts pour soutenir une proposition de classement et ensuite contourner les impératifs de régulation de commerce. La Convention dysfonctionne parfois en ce que les parties sont réticentes à faire pression, et encore moins à sanctionner d’autres pays en leur interdisant des importations ou exportations liées à la faune sauvage, pour qu’ils respectent leurs engagements. Le Mexique avec la vaquita en est un bon exemple.

ANES : concernant la situation politique des États-Unis, Trump essaie de détricoter l’Endangered Species Act. Quelles seraient les conséquences sur le commerce des espèces, et quelle va être la réponse des ONG ?

Zak Smith : une coalition d’ONG va porter la question devant la justice en pointant que cette réglementation a été rédigée en désaccord avec la loi, et que de nombreuses irrégularités entachent le process. Un juge pourrait bloquer l’administration Trump. Mais si cette nouvelle réglementation devait passer, elle pourrait faciliter l’importation d’espèces aux États-Unis. L’Endangered Species Act (ESA) distingue les espèces « en danger » et les espèces « menacées ». Les espèces en danger ne peuvent être importées dans le pays, tandis que les espèces menacées peuvent l’être sous certaines conditions. La nouvelle réglementation assouplirait ces conditions concernant l’import des espèces menacées. De plus la nouvelle réglementation rendrait plus difficile le classement des espèces sur l’ESA, car l’administration Trump veut inclure les intérêts économiques de certains dans le processus de décision. Si le classement d’une espèce a des effets négatifs sur l’extraction des ressources minières, alors elle cherchera à l’empêcher. Or les organismes tel que le Fish and Wildlife service qui s’occupent de la protection de la faune sauvage donnent la priorité aux espèces classées. L’EAS est une réglementation en faveur de la faune sauvage et basée sur la science, qui court le risque d’être corrompue par les intérêts économiques du secteur énergétique. C’est une déclaration de guerre de la part de ces lobbies.

[/ihc-hide-content]