Pour le CGDD, les zones humides se portent mal (4 mn)

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Dans le cadre du programme EFESE (Evaluation française des écosystèmes et des services écosystémiques), le Commissariat général au développement durable (CGDD) vient de publier un rapport sur l’état des zones humides françaises. Diagnostic alarmant !

« On estime qu’environ la moitié des zones humides françaises a disparu entre 1960 et 1990 ». D’emblée, les auteurs du rapport plantent le décor : les zones humides disparaissent à grande vitesse, même si le rythme de ces disparitions s’est légèrement ralenti depuis 1990. Ces disparitions sont en partie dues à l’urbanisation et aux nombreux drainages de terres, dans le but d’améliorer la régularité des productions céréalières, ou encore pour transformer des prairies en grandes cultures. Encore ces chiffres ne relèvent-ils que d’une extrapolation, puisqu’à l’heure actuelle, aucun inventaire national ne permet d’évaluer de manière précise et parfaitement exhaustive la surface des milieux humides et aquatiques continentaux sur l’ensemble du territoire français métropolitain et ultramarin. Les travaux cartographiques les plus récents estiment que les milieux potentiellement humides couvrent environ 23 % du territoire métropolitain, soit près de 13 millions d’hectares.

Les milieux humides et aquatiques continentaux présentent une biodiversité d’une grande richesse grâce à leurs habitats essentiels pour un grand nombre d’espèces. En métropole, ceux-ci abritent plus du tiers des espèces recensées sur le territoire. Mais ces milieux font partie des écosystèmes les moins bien conservés à l’échelle nationale, ce qui les place au cœur des enjeux de conservation. Ils abritent en effet près de 45 % des espèces menacées en France métropolitaine. Dans l’ensemble, moins de la moitié des masses d’eau françaises étaient jugées en bon, ou très bon, état écologique en 2013 au sens de la Directive cadre sur l’eau. Alors que les teneurs en nitrates dans ces milieux sont restées stables et demeurent à des niveaux susceptibles de perturber le fonctionnement de ces milieux depuis le milieu des années 2000. la pollution des cours d’eau par les matières organiques et phosphorées, source de perturbations de l’équilibre biologique, a nettement diminué sur la même période.

Les milieux humides et aquatiques continentaux sont le réceptacle de pollutions anthropiques telles que l’azote, le phosphore, les métaux lourds et les micropolluants organiques (PCB, pesticides, etc.), générées au sein des écosystèmes agricoles et urbains qu’ils transfèrent en partie vers les milieux marins. Des travaux récents font ainsi état du fait qu’environ 80 % des pollutions marines sont d’origines terrestre et anthropique. Outre la pollution des eaux, la fragmentation et la destruction des habitats apparaissent comme les facteurs de changement ayant le plus fort impact sur les milieux humides et aquatiques continentaux. Ainsi, à l’échelle du territoire, les 80 000 obstacles recensés sur les cours d’eau ont un impact significatif sur la continuité écologique.

Enfin, le développement d’espèces exotiques envahissantes (ragondin, ambroisie, jussie, moustique tigre, etc.) dont la fréquence d’introduction est en hausse, affecte la biodiversité et impacte la santé et l’économie. Le développement de certaines cultures très consommatrices en eau (par exemple le maïs irrigué) peut être source de stress hydrique dans certaines régions françaises lors d’épisodes de sécheresse et affecter le fonctionnement des milieux humides et aquatiques continentaux . Ces situations de stress hydrique s’accroitront dans les années à venir du fait du changement climatique. Les modélisations récentes sur le sujet estiment en effet que la réduction des précipitations estivales combinée à l’augmentation des températures favorisera les périodes de sécheresse.

Voilà pour l’état des lieux. Le rapport tente ensuite de proposer une évaluation économique des services écosystémiques liés aux zones humides : sur le seul rôle de rétention de l’azote par les rivières, la valeur du service dépasse les 2 milliards d’euros annuels à l’échelle nationale ! A quoi il faut ajouter la pêche commerciale (240 M€), la pisciculture (125 M€), le tourisme fluvial (500 M€) etc. Sans parler du fait que certains milieux humides et aquatiques continentaux permettent un stockage de l’eau et un ralentissement des écoulements, jouant ainsi un rôle d’atténuation des phénomènes de crues. En limitant les impacts potentiels sur les installations humaines situées en aval, ce rôle d’écrêtement des crues des milieux humides est à l’origine de bénéfices économiques importants à l’échelle nationale, mais qui ne sont pas chiffrés dans le rapport.

Les rapporteurs insistent enfin sur l’important besoin de connaissance en matière de zones humides : « les suivis et les connaissances existantes demeurent incomplets pour établir un panorama exhaustif chiffré des biens et services écosystémiques produits par les milieux humides et aquatiques continentaux » écrivent-ils.

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