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La reconstitution en cours de la population de thon rouge connaîtra un coup d’arrêt si l’organisation internationale chargée de sa gestion adopte les quotas de pêche fortement revus à la hausse que propose son comité scientifique, alertent des experts et des ONG.

Dans un rapport adopté vendredi et qui devrait être rendu public lundi, le comité scientifique de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (Cicta) propose que le quota de pêche du thon rouge de Méditerranée et de l’Atlantique Est soit « porté à 36.000 tonnes d’ici à 2020 en plusieurs étapes », a indiqué à l’AFP Shana Miller, une scientifique de The Ocean Foundation, présente pour cette ONG à la réunion du comité à Madrid, qui s’est achevée vendredi. Le quota est de 23.655 tonnes pour 2017. « Un quota de 36.000 tonnes conduirait à un déclin » de la population de thon, affirme Rachel Hopkins, de l’ONG Pew, précisant qu’il serait le plus élevé jamais adopté. Le stock actuel de thons rouges adultes est estimé à un peu moins de 500.000 tonnes. Proposer une telle hausse paraît d’autant plus étonnant que selon le comité lui-même, les captures doivent rester inférieures à 28.000 tonnes par an pour garantir la stabilité ou la croissance de la population. Il estime en effet qu’avec un quota de « 28.000 tonnes ou moins, la probabilité que la population continue à augmenter est supérieure à 50% », indique Mme Hopkins. La Cicta doit se prononcer sur une éventuelle hausse des quotas au cours d’une réunion prévue en novembre à Marrakech. En 2014, elle avait déjà relevé de 20% par an, pendant trois ans, le quota de pêche du thon rouge. En 2014, le quota était de 13.500 tonnes par an.

Le comité n’a en revanche pas donné d’estimation de l’état de la population de thon, selon les ONG. « Le stock est conforme au plan de restauration, qui s’achève en 2022 » mais « les scientifiques ne sont pas encore sûrs qu’il soit restauré », a déclaré à l’AFP Alessandro Buzzi, du WWF. « Nous nous attendions à ce que les scientifiques (..) nous disent ‘le thon rouge de l’Atlantique Est est rétabli’ », mais dans l’un des trois scénarios envisagés, « le stock est toujours victime de surpêche », explique Rachel Hopkins. « A cause de cela, et d’autres incertitudes » liées aux modèles utilisés, « ils n’ont pas pu déclarer que le thon rouge de l’Atlantique était rétabli ». Selon Jean-Marc Fromentin, chercheur à l’Ifremer, « ces incertitudes sont en partie liées au fait qu’il est difficile d’évaluer l’abondance d’une population marine qui effectue de grandes migrations sur une très large zone géographique ». « On n’a pas encore assez de recul pour être sûr du niveau réel », dit-il. Selon les estimations des scientifiques, la population de thon rouge de l’Atlantique Est et de Méditerranée est passée de 460.363 tonnes en 2014 à 483.299 tonnes en 2015, a indiqué Mme Hopkins. Ce poisson a été victime de la surpêche dans les années 1990-2000 avant que l’établissement en 2007 d’un quota et de mesures de régulation draconiennes ne commence à reconstituer le stock.