Le personnel du zoo est sous le choc. Ségolène Royal annonce avoir saisi la justice.
« Extrêmement choqués et abasourdis ». Les soigneurs du zoo de Thoiry, près de Paris, sont inconsolables après la découverte d’un de leurs rhinocéros, Vince, quatre ans, abattu de trois balles dans la tête, la corne principale sciée et volée. La macabre découverte, jugée inédite dans un zoo européen par les responsables de ce vaste parc animalier situé dans les Yvelines, a été faite mardi matin par la soigneuse des rhinocéros. « L’animal a été tué pendant la nuit et ses deux cornes sciées, a expliqué à l’AFP la commandante de la compagnie de gendarmerie de Mantes-la-Jolie, Melisandre Durier, chargée de l’enquête. Seule la corne principale, longue de 20 cm, a été volée, a-t-elle précisé, en estimant sa valeur marchande à « 30.000 à 40.000 euros ». Son autre corne a été partiellement sciée, mais était toujours solidaire du reste du corps de l’animal quand sa dépouille a été découverte.
Mardi soir, la ministre de l’Environnement, Ségolène Royal, a indiqué avoir saisi le procureur de la République de Versailles et qu’elle allait « demander fermement aux autres pays européens d’interdire tout commerce d’ivoire d’éléphant et de corne de rhinocéros au niveau européen, comme c’est déjà le cas en France ».
L’animal abattu était un jeune mâle de quatre ans, né fin 2012 au Burger’ Zoo d’Arnhem, aux Pays-Bas, et arrivé à Thoiry en mars 2015. Vince, deux tonnes, décrit par le directeur du parc, Thierry Duguet, comme « dynamique et en pleine forme, appartenait à la sous-espèce des rhinocéros blancs, originaires d’Afrique du Sud. Ses cornes ont été coupées probablement à la tronçonneuse, a encore avancé le directeur. Cet acte a été perpétré malgré la présence de cinq membres du personnel vivant sur place et de caméras de surveillance », bien qu’aucun dispositif vidéo ne filme cet endroit du parc.
« La soigneuse des rhinocéros, Elodie, est très affectée par ce qu’il s’est passé. Elle s’occupe des rhinos depuis des années. Elle ne peut pas parler », a rapporté à l’AFP la fille du créateur du zoo de Thoiry, Colomba de la Panouse. « Elle ne s’en remet pas. Nous sommes extrêmement choqués et abasourdis: ici, c’est normalement un sanctuaire pour les animaux, a également commenté Thierry Duguet, selon qui un tel acte n’était jamais arrivé dans un zoo en France, ni même en Europe ».
Selon le zoo, les auteurs ont forcé l’une des grilles extérieures du parc puis une porte métallique et ont fracturé une porte intérieure intermédiaire, avant de pouvoir accéder à la réserve des rhinocéros blancs. L’animal se trouvait dans une maison, où il passait la nuit avec les deux autres rhinocéros blancs de Thoiry, Gracie, 37 ans, et Bruno, cinq ans, épargnés. Le responsable du programme Commerce des espèces sauvages au WWF, Stéphane Ringuet, a fait part auprès de l’AFP de sa « stupeur. Déjà en Europe, il y a quelques années, il y a eu des vols de cornes dans les salles de vente aux enchères, des lieux d’exposition, mais là on est passé du non-vivant à des animaux à des fins de prélèvements d’une partie de l’animal; au-delà de l’émotion, c’est juste stupéfiant. Ça nous interroge sur la façon dont on doit protéger le patrimoine vivant, comment diminuer la criminalité liée au trafic des espèces sauvages: s’attaquer au braconnage, à la lutte contre les trafics et à la réduction de la demande ».
Le trafic est généralement destiné à plusieurs pays asiatiques, dont la Chine et le Vietnam, où la médecine traditionnelle attribue toutes sortes de vertus à la corne de rhinocéros, dont celles de guérir le cancer ou l’impuissance. La corne du rhinocéros est faite de kératine, comme les ongles humains, et ses vertus thérapeutiques n’ont jamais été prouvées scientifiquement. Elle peut se vendre jusqu’à 60 000 dollars le kilo sur le marché noir, soit près de deux fois le prix de l’or. Son commerce international est interdit depuis 1977, mais cette mesure n’a pas permis d’enrayer le massacre des rhinocéros en Afrique.