Le crime parfait

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Nicholaï Hel est le tueur le plus expert de l’histoire. De l’histoire de la littérature, en tout cas. Héros de Shibumi, le roman-culte de Trevanian (éditions Gallmeister), il peut vous occire au moyen d’une paille, d’un trombone, ou de la mine d’un crayon. Voire à mains nues. Mais même lui n’a jamais pensé à utiliser comme arme du crime… un bouquet de fleurs coupées.

Pourtant, quoi de plus insoupçonnable qu’une gerbe de roses pour réussir le crime parfait ? Une étude publiée en 2021 dans la revue Environmental pollution révélait l’utilisation, pour la production et la conservation des fleurs coupées, de 201 substances chimiques néfastes pour la santé humaine, dont 93 interdites dans l’Union européenne… alors que plus de 40 % des échantillons étudiés provenaient de l’un des États-membres. Chez les fleuristes, l’explosion de maladies professionnelles liées à la manipulation de ces bouquets vénéneux vire à l’hécatombe. En Belgique, des chercheurs ont identifié plus de 100 pesticides dans les fleurs les plus vendues dans les boutiques. Ils ont retrouvé toutes ces molécules, dont certaines sont interdites depuis longtemps en Europe, sur les mains des fleuristes, munis de gants en coton pour les besoins de l’étude… et 70 dans leurs urines.

En 2022, une gamine de 11 ans, fille d’une fleuriste, est morte d’une leucémie aiguë lymphoblastique B. Le Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides (FIVP) vient d’admettre le lien de causalité entre sa pathologie et son exposition aux pesticides durant la période prénatale. Le Monde et la cellule « investigation » de Radio-France rapportent que parmi ses anciennes collègues, sur trois départements des Pays de la Loire, la mère de la fillette dit avoir connaissance de dizaines de cas de problèmes de santé : des fausses couches, des enfants avec des troubles neurodéveloppementaux, des maladies neurologiques, des scléroses latérales amyotrophiques, des Parkinson et des cancers.

Consignes de sécurité : si quelque soupirant ou soupirante s’avise, sous prétexte de Saint-Valentin ou à toute autre occasion, de vous offrir des roses, appelez immédiatement Police-secours. Si quelque mielleux vous susurre « Mignonne, allons voir si la rose, qui ce matin avait déclose… et patati et patata », courez déposer plainte pour harcèlement et menaces de mort.

Et de grâce, cessez de parler de « couronne mortuaire ». C’est désormais un affreux pléonasme.