Et alors, ce « réarmement démographique » virilement proclamé le 16 janvier dernier par Emmanuel Macron, il en est où ? Un peu plus de neuf mois plus tard, l’État n’a toujours pas accouché d’une quelconque clarification sur l’arsenal que le père de la nation envisageait de déployer.
Ah si ! Dans l’est de la France, le Parc naturel régional (PNR) des Ballons des Vosges a entrepris une vigoureuse opération de réarmement de la démographie… du grand tétras. Espèce emblématique du massif des Vosges, le coq de bruyère (c’est le sobriquet familier de l’oiseau en question) en a quasiment disparu… notamment à cause de l’action du PNR, qui privilégie systématiquement le développement touristique du territoire au détriment de la préservation de la biodiversité.
Pour se faire pardonner, ou pour redorer son blason, le PNR met en œuvre une réintroduction du volatile. En avril dernier, neuf individus capturés en Norvège ont été relâchés, en dépit de l’opposition de tous les scientifiques et de la plupart des associations naturalistes.
A quoi bon, plaidaient-elles, réintroduire des individus déportés si les conditions qui ont présidé à l’extinction de leurs prédécesseurs sont toujours là ? Voire… s’aggravent. La politique du tourisme à outrance et du suréquipement, défendue bec et ongles par le président du PNR Laurent Seguin, a pour effet de rendre le territoire invivable pour le grand tétra : destruction et fragmentation des habitats forestiers, cueillette sauvage de myrtilles (dont se nourrit l’oiseau), dérèglement climatique qui réduit l’enneigement, perte de diversité génétique, collisions avec des câbles de remontées de ski, des clôtures ou des lignes à haute tension…
Les opposants à cette opération de gesticulation politique au détriment du « coq de bruyère » ont tenté de la bloquer devant le Tribunal administratif. En vain.
Six mois plus tard, 5 des 9 oiseaux réintroduits sont déjà morts. Amère victoire pour les naturalistes, mais pas de quoi décourager le PNR, qui promet de nouvelles captures, de nouveaux lâchers, tout autant voués au carnage.
Comme s’il était urgent de montrer, contre tout l’enseignement de la nature, que ce que l’homme a défait, il peut le reconstruire…