« Stuck in the merde »

265
⏱ Lecture 2 mn.

Les Anglais sont parfois féroces. Surtout quand ils parlent des Français. Mercredi de la semaine dernière, The Guardian titrait son édito quotidien « Stuck in the merde » (la traduction est superflue, n’est-elle pas ?).

A quoi le quotidien londonien faisait-il référence ? Au fait qu’un gouvernement démissionnaire prétende, plus d’un mois après avoir été sèchement remercié par le peuple, continuer à régir les affaires du pays, sans que le parlement puisse exercer le moindre contrôle ? Au déni de démocratie dans lequel se claquemure un président de la République qui tient pour une péripétie négligeable le résultat d’une élection qu’il a lui-même convoquée ? Aux misérables polémiques qui ont suivi la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques et sa supposée Cène de drag-queens ?

Plus littéralement, le Guardian s’intéressait à l’état de la Seine, après 10 ans de travaux, 1,6 milliards d’euros dépensés, et les promesses envolées de deux présidents de la République (Chirac, puis Macron) de venir barboter dans un fleuve enfin remis en bon état écologique et sanitaire. Le problème de la Seine, c’est que les égouts de Paris sont certes un monument qui mérite la visite, mais qu’ils ont été conçus à une époque où personne ne se souciait de séparer les eaux pluviales des eaux grises. Quand de fortes pluies saturent ce réseau, les stations d’épuration ne peuvent pas traiter tout le flot, qui est directement rejeté à la rivière pour éviter que tout cela ne refoule dans les éviers des Parisien-ne-s (bon appétit !). Si l’on veut véritablement y remédier, il faudra éventrer toute la capitale pour installer un double réseau d’évacuation. Travaux titanesques, qui auraient dû être réalisés au fil des décennies écoulées à la faveur des chantiers programmés, au lieu de surcharger jusqu’à l’engorgement un réseau vénérable, certes, mais obsolète.

Mais voilà, il aurait fallu pour cela planifier, décider, imposer, mécontenter parfois, refuser des permis de construire inopportuns, en un mot faire prévaloir l’intérêt général sur la juxtaposition des intérêts particuliers. Bref gouverner (donc prévoir).

Les actions entreprises depuis 10 ans n’ont toutefois pas été totalement vaines. Certes, pas un Parisien normalement doté de raison n’envisage de se baigner dans sa rivière, mais on y recense aujourd’hui 30 espèces de poissons, contre 3 en 1970. A ce rythme, dans trois siècles la Seine aura retrouvé son bon état écologique. Et à peu près à la même époque, sera nommé un gouvernement conforme aux attentes du peuple. Les Anglais devront satisfaire autrement leur passion pour le French-bashing…