On n’a pas tous les jours l’occasion de célébrer une bonne nouvelle. Alors si on en trouve une pour commencer l’année, il serait dommage de la laisser filer. Celle-ci concerne les dauphins du golfe de Gascogne, qui peuvent envisager les mois à venir avec un -petit- surcroit de sérénité : le 22 décembre, le Conseil d’État a sèchement suspendu la quasi-totalité des dérogations figurant dans un arrêté d’octobre qui interdit à certains bateaux de pêcher pendant quatre semaines l’hiver, afin de préserver les cétacés. « Ces dérogations sont trop importantes pour que la fermeture de la pêche ait un effet suffisant sur les captures accidentelles pour avoir une chance de réduire dès 2024 la mortalité des petits cétacés à un niveau soutenable », ont expliqué les magistrats.
Comme il se doit, le président du Comité national des pêches, Olivier Le Nézet, a dénoncé illico « des ONG extrémistes »(celles qui ont saisi les juges) qui « veulent faire disparaître nos métiers et nos filières en faisant du golfe de Gascogne où nous travaillons depuis des siècles, une zone interdite à la pêche ». Dans cette réaction tout en nuances et en retenue, M. Le Nézet néglige le fait que la justice a donné raison à ces « extrémistes », et que s’abstenir de pêcher un mois sur douze pour sauver une espèce en danger n’implique pas précisément de « faire disparaître » la pêche…
Il est intéressant de noter que ce M. Le Nézet est par ailleurs le président de la société d’économie mixte Keroman, qui exploite le port de Lorient. A ce titre, il promeut un projet de partenariat avec le port de Duqm, dans le sultanat d’Oman, dont l’un des objectifs est d’importer vers Lorient, par avion-cargo, du poisson pêché en mer d’Arabie, à la grande fureur des pêcheurs lorientais, qui y voient une concurrence déloyale et une menace directe pour leur activité. En outre, importer du poisson par avion multiplie par dix l’empreinte carbone de la pêche, qui s’alourdit déjà naturellement du fait de la raréfaction de la ressource (il faut aller toujours plus loin et plus profond, et donc dépenser toujours plus de combustible, pour pêcher la même quantité).
La deuxième bonne nouvelle, c’est que ces pêcheurs lorientais désorientés se retrouvent aux côtés des ONG écologistes pour dénoncer les projets « extrémistes » de M. Le Nézet…