Réfugiés écologiques

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Appelons-le Ousmane. Dans sa région du Tchad, en raison des sécheresses à répétition, les troupeaux ne trouvent plus de pâturages pour assurer leur subsistance. Leurs propriétaires les dirigent donc vers les terres cultivées, qu’ils ravagent. Les contentieux se règlent à la kalachnikov, sous le regard des autorités locales qui n’oublient jamais de diviser pour régner. Alors un jour, ruiné, craignant pour sa vie, Ousmane est parti. Livré sur tout son trajet aux passeurs, aux détrousseurs, aux charognards qui se repaissent de l’exploitation de la misère humaine, il a fini par atterrir quelque part en France.

Quelle sorte de « migrant » est-il ? Politique ? Économique ? Climatique ?

Parmi tous les Ousmane qui alimentent les fantasmes de « grand remplacement » et servent de prétexte au flirt éhonté entre l’extrême-droite, la droite extrême et la majorité présidentielle, combien sont ici pour des raisons écologiques ?

Impossible de le savoir. La Convention de Genève, signée par la France en 1951, protège les personnes persécutées du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques. Pour instruire une demande de droit d’asile, ce sont ces critères-là qui sont examinés. En 1951, c’est ballot, personne n’a songé à y inclure les victimes de la crise écologique…

Or les sécheresses répétées, la désertification de sa terre, qui ont contraint Ousmane au départ, sont la concrétisation du cataclysme climatique dans lequel les pays occidentaux, ont une responsabilité écrasante. Notre niveau de vie enviable, qui fait rêver Ousmane et flipper les populistes frénétiques du calfeutrage des frontières (de crainte que la moindre fissure n’y crée un « appel d’air », comme ils disent), nous l’avons conquis au prix d’une orgie d’émissions de CO2. Rappelons que le CO2 que nous émettons s’accumule dans l’atmosphère pour des siècles. La France en a émis 38 milliards de tonnes depuis le milieu du XVIIIe siècle. Elle est le 8e plus gros pollueur historique… bien au-dessus du niveau de 1 % des émissions mondiales que reconnaissent à l’unisson Éric Zemmour et Emmanuel Macron, dont les convergences sont de moins en moins discrètes…

L’an dernier, 32 millions de déplacements dans le monde étaient liés à des catastrophes d’origine climatique : des ouragans, des sécheresses, des inondations… Parmi ces déracinés, combien d’Ousmane sont chez nous et verront bientôt leur sort aggravé par la loi « Darmanin » ?

Allez, « bon bout d’an » et joyeuses fêtes tout de même… On se retrouve en janvier.